Retour historique avec le Major-général à la retraite des Royal Winnipeg Rifles, Dennis C. Tabbernor. 

Dans le manège militaire Minto à Winnipeg se trouvent le quartier général et le musée des Royal Winnipeg Rifles, un régiment basé à Winnipeg dont l’histoire remonte à 1883 (1). Parmi les nombreux accomplissements de ce régiment figure sa participation, en première ligne, aux opérations du Jour J, le 6 juin 1944 sur les côtes normandes en France. 

En première ligne

« Un bataillon de 600-700 hommes des Royal Winnipeg Rifles a été envoyé pour débarquer sur la plage Juno tôt le matin du 6 juin 1944, raconte Dennis Tabbernor, qui a lui-même rejoint le régiment en 1967. Puis trois autres bataillons ont été envoyés, pour renforcer le premier bataillon. À la fin de la guerre, 1 847 soldats des Royal Winnipeg Rifles avaient été blessés et 512 tués. » 

Le Major-général à la retraite précise que les Royal Winnipeg Rifles étaient « l’un des premiers bataillons à débarquer sur la plage ce jour-là. Une des compagnies a d’ailleurs été complètement décimée sur cette plage. Faits prisonniers et abattus par la 12e Division SS Hitlerjugend. 

« C’était vraiment difficile. En arrivant sur cette plage, il n’y avait nulle part où se cacher. Le jour J et les jours qui ont suivi, avec la Bataille de Normandie, ont été très sanglants. C’était une énorme bataille, l’une des plus grandes à laquelle les Royal Winnipeg Rifles aient participé. » 

Une bataille qui avait d’ailleurs commencé pour les Royal Winnipeg Rifles avant même qu’ils n’atteignent la plage. 130 hommes sont morts avant de débarquer. Le bataillon a mené sa première bataille sur la terre ferme près de Putot-en-Bessin, à une vingtaine de kilomètres de la plage Juno. 

Et pourtant, les soldats avaient gardé un certain sens de l’humour. Dennis Tabbernor : « Le surnom des Royal Winnipeg Rifles, c’est Little Black Devils car nous avions des uniformes noirs au 19e siècle. Alors quand les soldats avaient tué un soldat allemand, ils laissaient une carte de visite sur le corps avec un diable dessus, comme une signature! » 

L’uniforme que portaient
les Royal Winnipeg Rifles
pendant la Seconde
Guerre mondiale. Aux
pieds du mannequin, une
réplique du monument
érigé en Normandie, à
Courseulles-sur-Mer.
L’uniforme que portaient les Royal Winnipeg Rifles pendant la Seconde Guerre mondiale. Aux pieds du mannequin, une réplique du monument érigé en Normandie, à Courseulles-sur-Mer. (photo : Camille Harper)

Beaucoup d’entraînement

Avant même le Jour J, les Royal Winnipeg Rifles était par ailleurs stationnés en Angleterre depuis 1941. Un premier bataillon avait quitté le Canada par bateau le 28 août 1941. « On a fait beaucoup d’entraînement en Angleterre, explique Dennis Tabbernor. Je suppose qu’on s’est battu aussi. » Dès le 1er décembre en effet, le bataillon des Royal Winnipeg Rifles était opérationnel dans la lutte contre l’envahisseur au point nodal de Cowfold, Sussex. 

Le Débarquement de Normandie est d’autant plus historique pour le régiment que, comme l’explique le Major-général à la retraite, « la dernière fois que les Royal Winnipeg Rifles sont allés quelque part en tant qu’unité indépendante, c’était pendant la Seconde Guerre mondiale. Pour toutes des autres opérations depuis, on était rattaché à d’autres unités ». 

Dans le musée, de nombreux artefacts et plaques rendent hommage aux soldats des Royal Winnipeg Rifles, notamment ceux qui ont combattu lors des deux Guerres mondiales. 

« On a rendu un hommage spécial aux soldats autochtones qui ont servi dans le régiment pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale, confie Dennis Tabbernor. Certains des meilleurs tireurs d’élite du bataillon, comme Tommy Prince, étaient des Premières Nations. Un timbre de Postes Canada lui a rendu hommage en 2022. » 

Quelques artefacts utilisés par les soldats des Royal Winnipeg Rifles pendant la Seconde Guerre mondiale.
Quelques artefacts utilisés par les soldats des Royal Winnipeg Rifles pendant la Seconde Guerre mondiale. (photo : Camille Harper)

Commémoration 

En 80 ans, les Royal Winnipeg Rifles ont été reconnus à plusieurs reprises pour leur bravoure en Normandie. Au 20e anniversaire en 1964, un monument commémoratif représentant une épée de croisé plantée dans un bloc de granite manitobain a été érigé près de la plage en Normandie. 

Et en juin 1992, c’est à Winnipeg, au parc commémoratif de la Crête de Vimy, qu’un monument a été installé à la mémoire des membres des Royal Winnipeg Rifles tombés le 6 juin 1944 ou dans les jours qui ont suivi. De plus, en 1975, la Reine Elizabeth II a fait l’honneur de nommer le Prince Philip Colonel-en-chef des Royal Winnipeg Rifles. 

Pour ce 80e anniversaire du Débarquement, les Royal Winnipeg Rifles n’ont toute-fois pas prévu de programme spécial. 

« Chaque année, le samedi le plus proche du Jour J, l’Association des Royal Winnipeg Rifles organise un défilé dans le parc commémoratif de la Crête de Vimy, sur l’avenue Portage, raconte Dennis Tabbernor. Nous organisons aussi une petite réunion à la Légion royale canadienne St. James pour se raconter nos histoires de guerre. Cette année, ce sera la même chose. » 

Il ajoute toutefois que « certains membres de l’association prévoient se rendre en Normandie pour le 80e, mais ils y vont par eux-mêmes ». 

Aujourd’hui, il ne reste qu’un seul survivant parmi les membres des Royal Winnipeg Rifles qui étaient présents sur la plage Juno le 6 juin 1944. « Il n’ira pas en France, précise Dennis Tabbernor. Il est vraiment très âgé. » 

(1) Situé au 969 avenue St. Matthews, le musée des Royal Winnipeg Rifles peut être visité les jeudis de 12 h à 19 h. Il est aussi possible d’organiser une visite en dehors des heures d’ouverture en appelant le 204 772-9746.