C’est à ce titre qu’il a vu à la mise en place de sa galerie d’art, qui occupe toujours le cœur de l’édifice, et qui a permis à des générations d’artistes manitobains, canadiens et internationaux de se faire connaître.
Bernard Mulaire tient tout d’abord à recentrer le contexte de la venue au monde du CCFM. « Avant le CCFM, il y avait déjà eu le Centre culturel de Saint-Boniface. Il avait été créé à la fin des années 1960, dans une aile de l’Académie Saint-Joseph des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie. L’édifice est désormais une résidence pour personnes âgées, située sur l’avenue de la Cathédrale à Saint-Boniface.
« À cette époque, le Québec s’affirmait de façon indépendante des autres communautés francophones à travers le Canada. Le gouvernement fédéral a souhaité contrer ce mouvement séparatiste en favorisant les communautés francophones d’un peu partout sur le territoire canadien.
« C’est dans ce contexte-là que les termes franco-manitobain, franco-ontarien sont nés. Auparavant, on parlait des Canadiens français, d’un océan à l’autre. Les communautés se sont donc senties obligées de se définir. Le Fédéral a cherché à encourager chacune d’entre elles à démontrer que l’on pouvait vivre en français partout au Canada. Et pas seulement au Québec. »
C’est dans cette optique qu’une partie de l’ancienne Académie Saint-Joseph a hébergé le Centre culturel de Saint-Boniface. « La communauté a reçu de l’argent d’Ottawa pour permettre d’établir un premier lieu de rassemblement à des fins culturelles. La communauté trouvait cependant l’endroit inadéquat. Elle voulait un centre culturel en bonne et due forme, capable de répondre à divers besoins. Il s’est alors mis en place un mouvement pour la création du CCFM. »
Bernard Mulaire précise que les artistes en art visuel ont alors commencé à se faire entendre. « Nous nous sommes regroupés pour faire connaître nos besoins. Entre 1969 et 1971, je siégeais au CA du Centre culturel de Saint-Boniface. En 1970, avec l’appui de la Winnipeg Art Gallery, j’avais participé à un atelier en muséologie, dans le but de faire valoir l’importance d’avoir une galerie d’art au sein du futur CCFM.
« Dans ces annés-là à Winnipeg, les artistes étaient sollicités lors du passage de personnages importants. Mais on leur demandait ensuite de retirer leurs œuvres. Nous en avions assez de cette précarité, de servir de décorateurs pour un soir. Nous souhaitions avoir une vraie galerie d’art avec une direction, une programmation, des vernissages, un temps d’exposition raisonnable. »
Bernard Mulaire.
La galerie d’art voit le jour
Les revendications ont porté fruits. Dès son ouverture, le CCFM a permis de concrétiser le projet d’établir une galerie d’art. En étapes, comme l’indique Bernard Mulaire.
« Pauline Boutal a été la première artiste à exposer à l’inauguration de l’édifice. En décembre 1974, un des artistes a suggéré que le CCFM m’embauche pour mettre en place une vraie galerie, car le nouvel espace n’était pas encore idéal. J’ai pris le poste de Représentant des artistes en art visuel, pour rendre plus accueillant un espace aux murs de béton et de briques. »
L’effervescence des années 1970 lui a bien servi. « C’était une époque extraordinaire. L’ouverture du CCFM a donné un coup de fouet à la communauté. C’était vraiment imposant. Les artistes étaient reconnus. Les groupes comme le 100 NONS, le Cercle Molière et bien d’autres avaient désormais leurs locaux. »
« Mon travail au CCFM a été de contribuer à organiser une galerie où les artistes se sentaient à l’aise de venir exposer. Les murs ont été refaits pour qu’on puisse accrocher des œuvres, des vitrines ont été mises en place. J’avais organisé un programme d’exposition sur un an, avec de petits catalogues pour mettre en avant différents types d’art.
« Le programme avait été lancé avec une exposition de Réal Bérard. C’était sa première exposition en solo. Ça avait été un moment vraiment extraordinaire. D’autres artistes ont suivi. Je pense notamment à Suzanne Gauthier, Pauline Morier, Raymond Gauthier, Hubert Garnier, Roger Lafrenière. À chaque exposition, nous essayions d’avoir un invité de marque. Ça a attiré beaucoup d’attention.
« J’avais aussi lancé l’idée de monter une collection d’art avec des œuvres des artistes qui venaient exposer dans la galerie. À chaque exposition, je m’organisais pour que l’artiste cède une œuvre. Aujourd’hui, la collection est assez majeure parce que les artistes ont continué de l’alimenter. »
Une partie de la collection a d’ailleurs été exposée en début d’année pour lancer les célébrations du 50eanniversaire.
Bernard Mulaire émet cependant un bémol. « Le seul problème du CCFM à cette époque, et qui est resté un problème, c’est que les paliers de gouvernement avaient investi dans la bâtisse, mais pas dans la programmation. Dans mon temps, même sans subvention, nous avions malgré tout continué dans la direction de l’amélioration. La galerie d’art a toujours gardé la bâtisse vivante.
« Le but du CCFM est de faire rayonner la culture des francophones. Alors je souhaite que l’organisme puisse rester la vitrine qui représente l’identité des francophones. »