Le Congrès annuel et salon professionnel 2024 de la FCM avait pour thème Redéfinir notre avenir, et c’est bien de cela qu’il s’agissait. Parmi les éléments à l’ordre du jour figurait la question d’un nouveau cadre de croissance municipale pour remplacer le cadre actuel, qui date de plus de 150 ans.
Le président sortant de la FCM, Scott Pearce, le confirme : « On n’a pas changé de mode de financement depuis la Loi constitutionnelle de 1867. Les municipalités au Canada connaissent un sous-financement historique. »
Ne recevant, pour chaque dollar de taxe, que 8 à 10 cents, les municipalités doivent pourtant entretenir 60 % de l’infrastructure du pays. « On fait la majorité du travail avec le moins d’argent, et les besoins en infrastructures et en services de qualité sont de plus en plus importants.
« Dans le jargon municipal, on dit que le Fédéral a tout l’argent, les provinces ont tous les pouvoirs et les municipalités ont tous les problèmes. C’est drôle à dire, mais c’est un peu ça. Le besoin d’un meilleur financement est devenu un souci majeur. »
« On n’a pas changé de mode de financement depuis la Loi constitutionnelle de 1867. Les municipalités au Canada connaissent un sous-financement historique » Scott Pearce.
Plus de besoins et de pression
Scott Pearce explique la situation non seulement par la modernisation et l’explosion des services attendus par les citoyens, mais aussi par l’immigration. « Le Canada est un pays en pleine croissance et on accueille beaucoup de nouveaux Canadiens (1). Un phénomène qui met plus d’argent dans les coffres du Fédéral et des provinces grâce aux taxes, mais pour les municipalités, ça nous coûte plus d’argent pour assurer des infrastructures et des services de qualité à ces nouveaux Canadiens, qui méritent de trouver une belle qualité de vie. »
Justin Johnson, chef de la direction de l’Association des municipalités bilingues du Manitoba (AMBM), renchérit : « Accueillir des gens, ce n’est pas juste bâtir des logements. C’est développer des nouveaux quartiers avec des écoles, des services d’urgence, des routes, un système d’eau. C’est un tout. »
Scott Pearce constate également « de plus en plus d’itinérance et de problèmes de santé mentale, et pas seulement dans les grandes villes. Or on s’attend à ce que les municipalités répondent à ces nouveaux besoins ». Des défis exacerbés avec la pandémie, insiste Justin Johnson.
Sonner l’alarme
« D’un bout à l’autre du Canada, la COVID a eu beaucoup d’impact au niveau des municipalités. Les pressions inflationnistes y ont été très fortement ressenties. C’est pourquoi nous sonnons l’alarme. »
Scott Pearce révèle que la pression sur les élus municipaux est telle que « juste au Québec, où j’habite, depuis nos dernières élections municipales en 2021, il y a 800 élus qui ont démissionné. Ça fait 20 ans que je suis maire et je n’ai jamais vu ça (2). C’est impossible aujourd’hui de répondre aux besoins ».
Avant d’en arriver à des recommandations pour un nouveau cadre de croissance municipale, la FCM a consulté ses membres et interpelé les élus fédéraux à plusieurs reprises sur des enjeux d’infrastructures et de mécanismes financiers. Elle s’est aussi entourée d’experts en finance, en logement, et a fait appel à des associations municipales et des universitaires qui ont mené des études pour mieux analyser la situation.
« Solutionner les défis se fera nécessairement différemment d’une province à une autre, puisque nos réalités et nos systèmes ne sont pas identiques. Il nous faut du sur-mesure. » Scott Pearce.
Deux demandes principales
Justin Johnson précise : « Ce dossier est discuté publiquement depuis plus d’un an, voire deux, tant avec le gouvernement fédéral qu’autour de la table de la FCM. » Concrètement, la FCM formule deux demandes principales.
La première demande : que le Fonds pour le développement des collectivités du Canada (FDCC), qui s’élève aujourd’hui à 2,4 milliards $ de transferts annuels directs répartis parmi les municipalités canadiennes, soit augmenté à 5 milliards $ et indexé sur le produit intérieur brut.
Scott Pearce souligne : « Pour nous, c’est important de doubler ce fonds, parce que c’est de l’argent distribué directement aux municipalités pour des choses de base. Ce n’est pas du luxe de réparer un toit de caserne de pompiers qui coule, ou de rénover un centre communautaire en piètre condition. »
La deuxième demande, rapportée par le président sortant de la FCM : « Trouver une façon pour le Fédéral, les Provinces, les Territoires et les Municipalités de vraiment travailler ensemble pour trouver des solutions de financement à court, moyen et long terme sur le terrain.
« En bout de ligne, ce sont les élus locaux qui connaissent le mieux les besoins sur le terrain. C’est donc nécessaire qu’on puisse s’assoir à la table avec les autres ordres de gouvernements pour tenir de vraies discussions. On doit tous travailler en équipe, car on a tous le même objectif : offrir aux Canadiens la meilleure qualité de vie possible. »
Un plan entre tous les paliers
Par exemple, la FCM revendique l’élaboration d’un plan fédéral-provincial-territorial-municipal exhaustif pour mettre fin à l’itinérance chronique, avec des rôles et des responsabilités bien définis entre les paliers de gouvernements, des étapes claires et objectifs mesurables, des investissements et des mesures stratégiques coordonnés, et des coûts partagés.
Justin Johnson ajoute que cette collaboration pour trouver des solutions, sur la question de l’itinérance ou autre, devra se faire province par province, territoire par territoire.
« Solutionner les défis se fera nécessairement différemment d’une province à une autre, puisque nos réalités et nos systèmes ne sont pas identiques. Il nous faut du sur-mesure. »
Scott Pearce précise que bien que la FCM ait rédigé un rapport de 55 pages pour présenter et argumenter ses recommandations, « nous sommes prêts à écouter et travailler ensemble pour trouver des solutions. Et si c’est quelque chose de différent de ce qu’on recommande qui en ressort, on reste ouvert. L’important, c’est d’agir ensemble ».
La FCM demande au gouvernement fédéral de s’assoir avec chacun des partenaires – provincial, territorial et municipal – et de lancer ce travail avant l’énoncé économique de l’automne 2024. « Les bons mots, c’est beau, mais il faut vraiment passer à l’action. »
(1) Un communiqué de presse du Gouvernement du Canada daté du 3 janvier 2023, précise qu’un peu plus de 1,3 million de nouveaux immigrants se sont établis de façon permanente au Canada entre 2016 et 2021. C’est le plus grand nombre d’établissements de nouveaux arrivants au Canada entre deux recensements canadiens consécutifs.
(2) Scott Pearce est maire du Canton de Gore, au Québec, depuis novembre 2004, et préfet de la MCR d’Argenteuil depuis 2014.