River Heights offre trois programmes : un programme d’immersion classique, un programme d’immersion courte, dans lequel les élèves commencent à apprendre le français en 7e année, et le programme anglais.
Si l’enseignement du français a pris une autre allure, c’est en raison d’un constat formel : le niveau de français des élèves n’est pas à la hauteur souhaitée.
Paula Sasdelli est enseignante orthopédagogue à l’École River Heights. Son rôle : apporter du soutien pédagogique à la fois aux élèves et aux enseignants.
Sa particularité : Paula Sasdelli est originaire du Brésil et parle cinq langues. Même si elle précise humble- ment que son italien et son espagnol ne sont « pas super », il reste que pour elle, l’apprentissage des langues est une passion.
Revoir la façon d’enseigner
« J’ai pensé à la manière dont j’ai appris mes langues. Mon français n’est pas parfait. Mais je l’ai appris en peu de temps à l’université. Parce que j’étais très en contact avec mes amis français, qui m’ont beaucoup appris.
« Ils m’ont même donné la motivation d’apprendre le verlan (rires). J’ai pensé à mon expérience et j’ai réalisé que ce qui me motivait le plus dans l’apprentissage, c’étaient les expériences de la vraie vie. »
Autrement dit de pouvoir pratiquer l’immersion linguistique dans le sens pleinement culturel du concept. « Avec mes amis, je devais savoir comment commander un repas au restaurant. Ou comment expliquer à mon médecin où j’avais mal.
« Pour moi, c’est la clé : mettre les élèves dans une situation dans laquelle ils doivent utiliser ce qu’ils ont appris en classe, comme dans la vraie vie. »
C’est d’ailleurs la façon dont sont évalués les élèves lorsqu’ils passent le Diplôme d’études en langue française (DELF).
Mise en situation
D’après Paula Sasdelli, la façon dont les choses fonctionnaient dans les salles de classe de l’École River Heights ne touchait pas assez aux aspects de la vie de tous les jours. « C’était beaucoup de verbes et de grammaire, de papiers écrits. Mais pas vraiment d’interactions, pas assez de temps pour parler et échanger. »
Résultat de cette conviction: la mise en place à la rentrée 2023 du Projet de revitalisation de la langue française. Avec pour objectif de mettre l’accent sur la pratique orale de la langue. Plus particulièrement sur l’écoute et la production.
« Il s’agit de développer les compétences linguistiques les plus importantes. Si ton oral s’améliore, que tu peux comprendre ce que l’on te dit ou exprimer ce que tu veux dire, alors tu vas améliorer tes compétences en lecture et en écriture. »
Au nom de l’idée que les compétences orales priment, les pratiques d’enseignement ont donc changé pour inclure davantage de situations
qui amèneraient les élèves à faire des jeux de rôle, de l’improvisation ou diverses autres activités.
« Par exemple, nous avons travaillé avec la nourriture, qui était l’un des thèmes étudiés. À la fin de l’unité, nous avons organisé un concours de cuisine. Les élèves ont cherché des recettes et ont présenté en français leurs plats devant un jury. »
En appui à la méthode, un laboratoire de langues a également été organisé dans lequel les élèves ont été placés dans certaines situations, comme planifier une fête et interagir en groupe. Dans le laboratoire, tout est enregistré pour les encourager à parler français.
La question des technologies
Si la technologie peut être un outil pour l’apprentissage d’une langue, elle peut également le desservir. L’enseignante orthopédagogue relève le point suivant. « Avec des outils comme Google translate, il devient très facile pour les élèves d’écrire un texte tout en anglais et de soumettre la traduction. En fait, c’est facile de savoir qui a triché, qui n’a pas triché, parce qu’on connaît nos élèves. »
Le problème réside plutôt dans le fait de confronter ces élèves amateurs d’intelligence artificielle. Paula Sasdelli résume le dilemme par une question : « Comment prouver qu’ils ont triché? ».
Il y a bien sûr des pistes de solutions. Pour limiter l’utilisation abusive de ces outils de traduction qui nuisent grandement à l’apprentissage, certains professeurs prônent un retour à l’examen sur papier, d’autres glissent des absurdités écrites en petit dans les énoncés, de sorte que les élèves ne puissent pas les voir. « Lorsqu’ils copient-collent le texte dans ChatGPT, la phrase va apparaître ». Il existe aussi des logiciels de détection. Sauf que les élèves trouvent assez facilement le moyen de les contourner.
D’où l’intérêt supplémentaire de la nouvelle méthode, qui se concentre sur l’oral et permet justement de s’éloigner des écrans d’ordinateur et de donner à la pédagogie une dimension plus organique.
Le bilan de la première année expérimentale s’avère plutôt positif. Paula Sasdelli indique que le niveau général en français s’est amélioré. Elle n’est pas la seule à l’avoir observé. Kieran Lloyd, enseignante de 7e année, estime que les progrès sont évidents.
« Les élèves sont beaucoup moins gênés lorsqu’ils doivent parler français. Ils sont plus à l’aise avec l’idée de commettre des erreurs. »
Kieran Lloyd précise que le contenu des cours est resté inchangé. « C’est l’approche qui a changé. » Si bien que la méthode qui met l’accent sur la vraie vie devrait rester en place pour la rentrée 2024- 2025.