Dans les pages de son édition du 29 mai, La Liberté faisait le point sur les conséquences de la pénurie de psychologues au Manitoba. Les spécialistes interrogés à ce moment-là pointaient du doigt un réel besoin francophone dans le milieu de la psychologie. Le docteur Harold Wallbridge, secrétaire général de la Psychological Association of Manitoba indiquait que sur les 260 psychologues manitobains que compte l’association, « seule une poignée de personnes travaillent en français. Probablement moins de 10. C’est un problème. »
Un problème qui va peut-être pouvoir se régler.
Il s’agit en tout cas d’une bonne nouvelle pour les psychologues francophones du Manitoba et plus largement pour les francophones tout court.
L’Université de Saint- Boniface (USB) a ouvert aux inscriptions cette année, deux nouveaux Baccalauréats en psychologie.
Deux programmes différents
Un baccalauréat avancé et un autre spécialisé. Alexandre Brassard, doyen de la Faculté des Arts et de la Faculté des sciences, explique en quoi ces deux programmes diffèrent.
« Le bac spécialisé est le plus poussé, indique-t-il. Il a une composante de recherche et il est conçu spécialement pour ouvrir la voie vers une maîtrise à l’Université du Manitoba ou ailleurs. Le bac avancé lui n’a pas de contenu de recherche aussi fort, il s’adresse plutôt aux personnes qui voudraient ensuite s’orienter vers l’enseignement peut-être. Il peut tout de même mener vers une maîtrise dans le social ou en psychologie dans certaines provinces, mais pas à l’Université du Manitoba. »
Notons que l’obtention d’une maîtrise en psychologie est un prérequis nécessaire pour exercer le métier de psychologue. La maîtrise permet de devenir psychologue associé, à savoir un psychologue en mesure d’exercer cliniquement à condition d’être sous la supervision d’un psychologue clinicien.
Pour devenir psychologue clinicien en revanche, il sera nécessaire d’obtenir un doctorat.
Ouvrir la voie
Les deux Baccalauréats, d’une durée de quatre ans (lorsque suivi à temps plein) ne suffisent donc pas pour exercer, mais ils permettent d’ouvrir la voie, en français, vers les études nécessaires à l’exercice du métier.
Pour s’assurer de cela, le doyen révèle que les programmes sont basés sur la structure de ceux de l’Université du Manitoba. « Parce que plusieurs de nos étudiants vont probablement choisir de faire leur maîtrise là-bas. C’est notre point de départ, mais nous l’avons ajusté à notre réalité. La structure est semblable, mais le contenu va quand même varier. »
De plus, Alexandre Brassard précise que les diplômes sont reconnus dans d’autres provinces. « Les critères vont peut-être varier un petit peu, certains programmes demanderont par exemple un cours en plus, mais c’est un passeport pour faire sa maîtrise ailleurs. »
Jusqu’alors, l’USB offrait seulement une mineure et une majeure en psychologie. Toutefois, le projet de donner vie à ces Baccalauréats était dans les tiroirs depuis un bout de temps, « c’est une chose dont on parle depuis au moins huit ans », confie Alexandre Brassard. « La mineure et la majeure en psychologie sont des programmes de trois ans, ils ne suffisent pas pour aller en maîtrise alors on perdait beaucoup d’étudiants qui devaient partir pour devenir psychologue clinicien. Cela était une perte pour nous, mais aussi pour la francophonie manitobaine. »
C’est en partie ce constat qui a motivé la mise sur pied de ces nouveaux programmes.
Vers la création d’un doctorat?
Alexandre Brassard expli- que toutefois que certaines conditions ont dû être rem- plies au préalable pour que le projet aboutisse.
« Le processus d’adoption du programme nécessite que le curriculum passe et soit approuvé par neuf instances différentes. Il fallait aussi obtenir l’ouverture d’un poste
de psychologue à temps plein au sein de l’Université. La province nous a accordé l’ouverture de ce poste et nous avons reçu son aval au mois de juillet. »
Aujourd’hui, l’USB compte trois psychologues à temps plein, qui sont donc aussi des professeurs.
Les Baccalauréats sont donc lancés pour la première fois cette année scolaire. Pour l’heure, le doyen compte un seul inscrit pour le bac avancé et quatre pour le bac spécialisé, mais « l’on s’attend à ce que ça continue et l’on devrait pouvoir remplir le programme ». À ce propos, le nombre de places pour le bac avancé est illimité, en revanche le bac spécialisé, « parce qu’il comprend une supervision de recherche individualisée », compte neuf places par an.
Finalement, du côté du doyen, le regard se tourne déjà vers l’avenir et le prochain objectif n’est pas des moindres.
Alexandre Brassard confie qu’il souhaiterait voir la création d’un doctorat clinique avec accès direct au sein de l’USB.
Il explique qu’un doctorat en accès direct est un doctorat qui ne nécessite pas de maîtrise pour être intégré par les étudiants. Cela voudrait dire qu’après avoir suivi le bac spécialisé, les étudiants pourraient rejoindre le doctorat directement.
« Ça ne se fait pas pour l’instant au Manitoba. Pour un doctorat, les étudiants doivent faire des recherches approfondies, des stages et cela requiert une supervision, il nous manque pour le moment le personnel nécessaire. »
Pour mettre en place un doctorat, il faut donc des ressources humaines et financières. Alors que le gouvernement actuel a fait de la santé son cheval de bataille depuis son arrivée au pouvoir, des conversations devraient pouvoir se tenir.
« Nous sommes là au confluent de la santé et de l’éducation. Le gouvernement actuel est clairement sensible à ces questions-là, à nous maintenant de présenter l’argumentaire. »