Enseignante de carrière, elle espère que ce registre et son rôle permettront à la province de maintenir un système éducatif de qualité pour les Manitobains et Manitobaines.
Le gouvernement du Manitoba a confirmé la nomination de Bobbi Taillefer comme première Commissaire indépendante au registre des enseignants.
Créé à la suite d’un amendement de La Loi sur l’administration scolaire, le poste de la Commissaire indépendante aura le pouvoir d’enquêter sur des plaintes du public, les conseils scolaires et les employeurs concernant les fautes et l’incompétence des enseignants. Elle pourra prendre des mesures disciplinaires et publier les dossiers disciplinaires dans un registre public des enseignants.
Bobbi Taillefer est bien consciente de la lourde tâche qui lui incombe. « C’est une responsabilité énorme et un grand honneur. C’est une reconnaissance du travail que j’ai mené en éducation. Je suis quelqu’un qui croit profondément en l’éducation publique. C’est aussi une reconnaissance de mon jugement et de ma réputation. J’ai toujours été quelqu’un de collaboratif avec les différentes parties prenantes. »
Quels pouvoirs?
Bobbi Taillefer pourra donc décider des mesures à prendre pour répondre à une plainte, enquêter sur des rapports de mauvaise conduite ou clore la question en ne prenant aucune autre mesure.
Après une plainte pour mauvaise conduite, la Commissaire peut décider de conclure « une entente de règlement par consentement » ou de saisir un comité pour décider des conséquences qui peuvent aller jusqu’à l’annulation du brevet d’enseignement (1).
D’après la Loi, dans le cas où le commissaire estime que « rendre l’entente publique causerait un préjudice important à une victime, des blessures, des mauvais traitements ou de l’exploitation infligés par l’enseignant concerné » alors l’entente de règlement par consentement ne sera pas rendue publique ou bien toutes les informations permettant d’identifier les personnes concernées seront enlevées.
Dans le cas d’agression sexuelle avérée, si au niveau national, les informations des personnes peuvent disparaître du registre pour délinquants sexuels au bout de plusieurs années, il n’en est rien pour le registre des enseignants.
Bobbi Taillefer clarifie la situation. « Les enseignants travaillent avec des enfants, des personnes vulnérables. Ce sont des emplois qui demandent des standards très élevés. » Le nom de l’enseignant sera donc encore inscrit dans le registre des enseignants avec la raison de l’annulation de son brevet d’enseignement.
Que signifie incompétence?
Si dans ce cas-là les choses sont claires, il reste encore du travail à Bobbi Taillefer pour dessiner les contours de certains aspects de la Loi. « En partenariat avec les parties prenantes en éducation, nous allons déterminer les processus. Par exemple : à quel moment il y aura une mention d’incompétence, pour combien de temps. Il y a encore beaucoup de travail à mener. »
Un point que partage la présidente des Éducateurs et éducatrices francophones du Manitoba, Mona-Élise Sévigny. « Ce qui va faire partie du registre est encore en consultation. Le ministère de l’Éducation et la Manitoba Teachers’ Society (MTS) et d’autres joueurs en éducation se rencontrent surtout pour éclairer le langage utilisé.
« Lorsqu’on met une mention d’inaptitude ou d’incapacité à côté du nom d’un enseignant, cette mention peut être pénalisante. En ce moment, la MTS travaille à ce que ce que le langage de cette mention soit extrêmement claire.
« Le but est de mieux servir la population et les enseignants grâce à ce registre. »
Pour référence, en Saskatchewan, la Registered Teachers Act a défini dans ses règlements les critères de « compétences » qui pourraient servir à l’évaluation d’un enseignant lors d’un comité de discipline.
Les règlements se lisent comme suit (ndlr : traduction libre). « 3.02 Procédure d’évaluation de la compétence des enseignants
- (1) Pour qu’un enseignant inscrit soit considéré comme incompétent, il doit y avoir des preuves que l’enseignant inscrit n’a pas réussi à démontrer de façon constante une ou plusieurs des normes de compétence.
- (2) Les preuves mentionnées au paragraphe 3.02(1) peuvent inclure, sans s’y limiter, les éléments suivants :
- (a) les notes du superviseur concernant le comportement observé ou signalé ;
- (b) les rapports établis dans le cadre des observations en classe ; et
- (c) les plans de mesures correctives ou d’amélioration et les rapports y afférents.
- (3) La commission de déontologie utilise les éléments de preuve recueillis au cours de son enquête pour déterminer s’il existe des motifs suffisants pour déposer une plainte formelle auprès de la commission de discipline concernant la compétence d’une personne inscrite à l’ordre professionnel. »
Dans les prochains mois, la province du Manitoba devra, elle aussi, déterminer ses critères de compétences.
Dans le but de servir le public
Bobbi Taillefer, qui a enseigné en Saskatchewan et a été directrice générale de la Saskatchewan Teachers’ Society souligne que « ce système fonctionne bien dans d’autres provinces comme en Ontario d’où je suis originaire ou même en Saskatchewan où j’ai pu travailler. Je sais donc que c’est possible d’avoir un registre fonctionnel. Je veux travailler avec les gens pour le rendre le plus efficace possible.
« Je suis convaincue que beaucoup de personnes veulent la même chose en éducation publique. Le système éducatif fonctionne bien et on veut qu’il continue de fonctionner. Nos enseignants sont excellents. Ce registre va permettre de contribuer à la profession et au système éducatif ».
D’ailleurs, la Manitoba Teachers’ Society (MTS) s’est réjouie de la nomination d’une ancienne enseignante à ce poste. Nathan Martindale, président de la MTS a fait savoir que « nous avons été clairs dès le premier jour : le commissaire doit avoir une solide expérience de l’enseignement public afin de garantir les meilleurs résultats pour les enseignants et les élèves.
« Nous sommes heureux de constater que la commissaire désignée ne se contente pas de répondre à ces attentes, mais qu’elle les dépasse. »
En poste d’ici janvier 2025
Pour l’instant aucune date de prise en fonction n’a été annoncée. Bobbi Taillefer espère être en poste d’ici janvier 2025. Néanmoins, elle a déjà commencé quelques travaux. « J’ai déjà commencé à travailler sur le registre avec des gens très impliqués dans le secteur de l’éducation. J’ai pu rencontrer le ministre de l’Éducation, des partenaires en éducation. Nous sommes en train de revoir toutes les obligations de la Loi. Il faut faire attention à tous les détails pour répondre au mieux aux besoins.
« Depuis au moins 20 ans, le secteur de l’éducation parle d’un registre des enseignants au Manitoba. Tout a commencé quand l’Ontario a mis en place le sien. De temps en temps, il y avait aussi des questions du public pour savoir si le Manitoba allait suivre d’autres provinces. Je pense que c’est une excellente chose pour la province. Nous avons aussi pu apprendre des modèles des autres. »
Une chose est certaine. Bobbi Taillefer tenait absolument à ce que les deux langues officielles soient sur un pied d’égalité lors de ces procédures. « Quand on m’a approchée pour la nomination, ma première question était de savoir s’il y aurait des procédures de mises en place pour les francophones. On m’a tout de suite assurée que oui. Je suis heureuse de pouvoir représenter les enseignants francophones aussi. Je veux un système qui puisse répondre aux deux langues officielles.
« Dans le cas d’enseignants francophones, il faudra des personnes capables aussi d’entendre des causes en français sur le comité. »
Une volonté de transparence
Dans des cas d’enseignants francophones ou anglophones, Bobbi Taillefer assure que le processus sera « juste, ouvert et transparent », qu’importe le type de plaintes.
Dans le cas de plainte qui aboutirait sur une annulation de brevet d’enseignement, ce détail sera ajouté au registre des enseignants. La Commissaire tient à rappeler que « les registres des enseignants sont publics. C’est-à-dire que n’importe qui peut chercher mon nom dans le registre de celui de l’Ontario ou encore de la Saskatchewan. N’importe quel employeur qui souhaite embaucher un enseignant d’une autre province avec un registre peut faire des vérifications si nécessaire.
« Je ne sais pas s’il y a un manque de confiance entre le public et le système éducatif. Le Manitoba a toujours eu une très bonne réputation que ce soit pour l’immersion, le baccalauréat international. Notre système est très reconnu grâce aux compétences et au dévouement des enseignants. Le registre va simplement permettre de renforcer le système éducatif. »
(1) Les membres de ce comité sont nommés par le ministre de l’Éducation. Cette liste est composée de « quatre enseignants, dont trois enseignants désignés par l’Association des enseignants du Manitoba et un enseignant dans une école indépendante; de quatre personnes désignées par l’Association des commissions scolaires du Manitoba et quatre représentants du public qui n’ont jamais été enseignants ».
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