Quelques lignes sont nécessaires pour présenter Annette Saint-Pierre. Ancienne membre de la congrégation des Soeurs de Saint-Joseph de Saint-Hyacinthe, professeure de français et de littérature, auteure et éditrice, ou encore membre de l’Ordre du Canada.
La Manitobaine d’adoption a cette fois-ci revêtu un costume de dramaturge pour écrire et publier sa première pièce de théâtre D’amour et d’eau fraîche.
Une pièce de théâtre, en huis clos, qui trouve sa genèse dans une vie vécue, mais que l’on doit surtout à un merveilleux hasard.
À l’occasion d’une croisière sur le Nil, un couple de Winnipeg fait la rencontre de Élisabeth Chaumontet. Cette dernière est l’arrière-petite-fille de Christine de La Salmonière (1873–1931) .
À la fin du 19e, Christine de La Salmonière et son époux Joseph ont quitté leur vie en France pour une vie de pionniers à Sainte-Rose-du-Lac au Manitoba. Une aventure que Christine de La Salmonière a couchée dans les pages de son journal.
Un journal qui finira dans les mains d’Élisabeth Chaumontet, puis, dans celles d’Annette Saint-Pierre, à l’époque, éditrice aux Éditions des Plaines.
Récit inspirant
Le journal sera alors publié, tel quel, sous le titre Soupe maigre et tasse de thé.
« Le livre s’est vendu comme des petits pains chauds », se souvient Annette Saint-Pierre, qui a été profondément inspirée par le récit de cette femme française.
« Je trouve ça tellement extraordinaire ces Français qui viennent s’installer ici. Vous imaginez au 19e siècle? Pour moi, cela relève de l’héroïsme. »
Elle ajoute que l’histoire de ce couple, « qui s’aimait beaucoup… » est restée gravée dans sa tête, voilà maintenant 10 ans.
« Je me suis toujours dit que ça ferait une bonne pièce de théâtre. »
C’est dans ce récit, et dans son admiration pour les pion-niers français qu’Annette Saint-Pierre trouve l’ins-piration pour la rédaction D’amour et d’eau fraîche.
Un récit fidèle, à peu de chose près
La pièce compte en tout une dizaine de personnages, tous inspirés de personnes ayant existé. Christine et Joseph de La Salmonière deviennent ici Jeanne et Robert de la Forest. Par amour, Jeanne quitte la bourgeoisie française pour rejoindre son mari Robert dans le village encore balbutiant de Sainte-Rose-du-Lac. Ce dernier tente par tous les moyens de faire fortune au Manitoba en tant qu’agriculteur et de devenir propriétaire d’un morceau de terre. Bien loin de la vie de château (littéralement) que vivait Jeanne dans l’hexagone, elle souhaite rentrer en France.
La pièce parle d’ambition, d’amour et de résilience et invite le lecteur à se plonger dans la réalité des colons français.
Quelques libertés
Si elle est largement inspirée du récit de Soupe maigre et tasse de thé, Annette Saint-Pierre admet tout de même avoir pris quelques libertés. Sans trop en dire, la fin de la pièce, par exemple, appartient à la dramaturge. Le personnage de Mathieu de la Ru, le frère de Jeanne est inspiré du véritable frère de Christine de La Salmonière. Seulement, si c’est un personnage récurrent dans la pièce, la réalité est plus sinistre. « Le frère s’était rendu lui aussi au Manitoba, mais on ne sait pas ce qu’il est devenu. On a perdu sa trace à la fin du 19e. Il a peut-être été mangé par les loups », hasarde l’auteure.
Cette époque, pendant laquelle tout restait encore à faire au Canada, est une période qui est particulièrement intéressante en matière d’imaginaire. C’est une période sur laquelle Annette Saint-Pierre a apprécié travailler.
Et si elle estime avoir été « fidèle » aux personnages principaux de son récit. Elle admet tout de même avoir ajouté quelques éléments dramatiques.
« Parce qu’au théâtre, ce n’est pas assez de dire. Il faut montrer. »
L’auteure aimerait d’ailleurs voir sa pièce et ses personnages prendre vie sur scène, mais pour le moment, rien de concret de ce côté-là.
L’amour d’écrire
Cette envie de transformer cet épisode de la vie de Christine de La Salmonière en pièce de théâtre s’est imposée assez naturellement à l’ancienne enseignante. Elle s’explique en partie par son amour pour les dialogues, qui découle lui-même de son amour inconditionnel pour l’écriture.
À propos de l’écriture, qui l’accompagne aujourd’hui encore à 99 ans, Annette Saint-Pierre dit ceci :
« L’écriture nous change. On est moins dans le paraître, on prend un autre chemin, on met l’accent sur l’être, sur ce que l’on est. C’est un peu un chemin vers la spiritualité. Parce qu’il faut réfléchir et s’interroger soi-même. »
Aujourd’hui, dans son appartement Saint-Bonifacien, les bibliothèques de la co-fondatrice des Éditions des Plaines, abritent des classeurs entiers de pages de journal. Alors même quand ce n’est pas pour un roman ou une pièce de théâtre, Annette Saint-Pierre ne cesse jamais vraiment d’écrire.