Ouverte au public depuis le 31 janvier, l’exposition rend hommage et donne la parole aux victimes de la purge LGBT des années 1950 jusqu’aux années 1990.
Ce terme désigne la période pendant laquelle plus de 9 000 travailleurs canadiens et canadiennes ont subi des discriminations au sein des Forces armées canadiennes, la Gendarmerie royale du Canada et dans la fonction publique fédérale en raison de leur orientation sexuelle.
Darrel Nadeau, vice-président, Expérience de visite du MCDP revient sur l’origine du projet. « En 2018, la création du Fonds Purge LGBT visait la réparation et la réconciliation avec la communauté LGBTQI+. De là, plusieurs initiatives ont été développées, dont cette exposition. C’est vraiment un honneur de l’avoir ici au musée. »
Un Fonds pour sensibiliser
À propos du Fonds Purge LGBT, La Liberté a pu recueillir le témoignage de Martine Roy, co-présidente du Fonds et victime de la purge. « C’est mon histoire qui est racontée ici, commente-t-elle. À l’âge de 20 ans, en 1984, j’ai été arrêtée, interrogée puis congédiée des Forces armées canadiennes pour homosexualité. Quand ils m’ont jetée dehors, j’ai eu neuf jours pour partir. C’était comme si le plancher venait de s’ouvrir sous mes pieds. »
Tout au long de sa carrière, Martine Roy s’est battue pour les droits des personnes LGBTQI+ et continue d’œuvrer pour un monde du travail plus inclusif. Elle raconte l’un de ses premiers emplois après l’armée. « J’ai été recrutée par IBM (1). Au début, je pensais que ce serait comme dans l’armée. Mais ils m’ont expliqué qu’ils avaient une politique d’inclusion. C’était le jour et la nuit! »
En rencontrant d’autres survivants, Martine Roy s’est également rendu compte qu’elle n’était pas seule. « Je me suis demandée combien d’autres personnes étaient comme moi. »
En 2016, elle fait partie des personnes ayant lancé un recours collectif contre le gouvernement fédéral afin de demander des excuses. Ce recours a abouti à un règlement de 145 millions $ en 2018. Le Fonds Purge LGBT voit ainsi le jour.
« On ne peut pas donner de l’argent aux personnes décédées ni à leur famille. On s’est demandé comment sensibiliser sur le sujet pour qu’une telle chose ne se reproduise pas », rappelle-t-elle à juste titre. En effet, cette exposition est l’un des trois projets du Fonds, avec la création d’une médaille et d’un monument. « Après le monument, le Fonds sera fermé. »
« C’est mon histoire qui est racontée ici, commente-t-elle. À l’âge de 20 ans, en 1984, j’ai été arrêtée, interrogée puis congédiée des Forces armées canadiennes pour homosexualité. Quand ils m’ont jetée dehors, j’ai eu neuf jours pour partir. C’était comme si le plancher venait de s’ouvrir sous mes pieds. » Martine Roy.
Immersion et émotion
Pour en revenir à l’exposition, le parcours comporte plusieurs temps forts. Le public se retrouve immergé dans des installations interactives qui lui font prendre conscience de la réalité dans laquelle vivaient les personnes homosexuelles à cette époque.
L’espace reconstituant un bar de l’hôtel Lord Elgin à Ottawa pendant les années 1960 permet notamment de plonger dans la société de l’époque et de comprendre les défis rencontrés par les fonctionnaires queers.
On peut également citer l’espace appelé « la pièce sombre ». Ici, le visiteur découvre une salle d’interrogatoire où il est invité à s’asseoir et à écouter une bande sonore diffusant des témoignages poignants de survivants qui ont été interrogés pendant la purge. Ces personnes étaient notamment interrogées pendant des heures et forcées d’avouer leur homosexualité. Ainsi, le visiteur est mis face à la violence et aux expériences traumatisantes qu’ont pu vivre les victimes de la purge.
De plus, des projections sont présentes comme un film représentant de façon physique les émotions de la purge à travers des danseurs de ballet.
En fin de parcours, le public a la possibilité de poser des questions à une douzaine de survivant.e.s et militant.e.s de la purge via une installation multimédia. Un temps d’échange important pour sensibiliser le plus grand nombre sur cette période de l’histoire du Canada.

Un sujet toujours d’actualité
Pour en revenir à l’exposition, celle-ci n’est pas là uniquement pour « conter une histoire du passé. » Darrel Nadeau insiste sur la volonté de se focaliser sur la question des droits. « On parle aussi du futur de cet enjeu du droit de la personne. Si on regarde les actualités, il y a eu une annonce aux États-Unis pour potentiellement bannir les soldats transgenres de l’armée militaire. »
En effet, le 27 janvier dernier, Donald Trump a signé un décret visant à interdire « l’idéologie transgenre » dans l’armée américaine. Darrel Nadeau rappelle donc que le combat contre les discriminations envers les personnes LGBTQ continue.
« Cette exposition est aussi là pour que les gens réalisent qu’il y a toujours des affaires comme celle-ci aujourd’hui, qu’il faut être vigilant et réagir quand on voit des choses comme ça. »
Programmée jusqu’au début de l’année 2026 au MCDP, l’exposition se déplacera ensuite dans d’autres musées du pays. Si le nom des villes et des établissements ne sont pas encore connus, ce projet a été conçu pour voyager facilement. « Étant donné qu’il s’agit d’une histoire pancanadienne et que cela fait partie des réconciliations du gouvernement national, c’est important qu’elle voyage », précise Darrel Nadeau. À noter qu’une version plus petite de l’exposition sera proposée pour s’adapter aux bibliothèques et aux écoles.
(1) International Business Machines Corporation.