Une mesure qui s’inscrit dans un contexte de montée de l’antisémitisme partout dans le pays.
208 %, c’est le pourcentage d’augmentation de violences antisémites enregistrées entre 2022 et 2023, par B’nai Brith Canada dans son audit annuel. Chaque jour, c’est en moyenne 16 incidents antisémites qui surviennent.
Depuis ces dernières années, aucun pays n’échappe à la recrudescence des actes antisémites, et le Canada ne fait pas exception. « L’antisémitisme était déjà très présent avant, mais il a vraiment refait surface à partir du 7 octobre », souligne David Matas, avocat canadien spécialisé dans les droits de la personne.
« Depuis, le système politique éducatif a constaté une réelle déficience. C’est pour cela qu’aujourd’hui, le Manitoba et les autres Provinces ont par exemple adopté la définition de l’antisémitisme proposée par l’Alliance Internationale pour la mémoire de l’Holocauste. »
Dans ce contexte, la Province a ainsi annoncé vouloir aussi actualiser le programme d’études en sciences humaines de la 6e, 9e et 11e année, pour rendre l’enseignement de l’Holocauste obligatoire dans toutes les écoles de la Province, dès l’automne 2025.
Apprendre et enseigner le passé
Pour David Matas, parler de l’Holocauste peut améliorer les choses, mais cela dépend de la manière dont on la transmet. « Cette période doit être enseignée de manière à lui donner une pertinence contemporaine. »
Pour lui, la connaissance de l’Holocauste ne vient pas spontanément, alors il est essentiel que ce soit l’école qui l’enseigne. « Il faut apprendre cette partie de l’histoire d’une manière ou d’une autre. Le manque d’éducation est devenu de plus en plus préjudiciable au fil des années. »
Mais si l’apprentissage de cette période est essentiel, il revêt un caractère d’urgence. « À l’époque, les gens ont pris conscience de l’Holocauste car il y avait des témoins, mais la raison pour laquelle c’est aujourd’hui important de l’enseigner c’est que les survivants disparaissent », souligne David Matas.
Mais le spécialiste évoque également un autre phénomène, qui rend compte de l’importante nécessité d’en parler. « L’avènement des réseaux sociaux est à prendre en compte, tous les négationnistes ont un public potentiellement mondial », soulève l’avocat.
Alors il faut « avant tout adopter une approche plus systémique de la connaissance de l’Holocauste qu’auparavant. »
« L’Holocauste n’est pas un événement isolé, l’antisémitisme a été omniprésent et mondial et presque tous les pays y ont été impliqué d’une manière ou d’une autre », tient à rappeler David Matas. Il évoque par exemple le fait d’accorder l’asile aux criminels de guerre nazis ou, au contraire, le refus de l’asile aux réfugiés juifs.
Mais au delà d’évoquer le passé et l’histoire, il s’agit aussi de prévenir d’un retour en force de l’antisémitisme. « Il faut rappeler que l’antisémitisme ne se limite pas à ce qu’il se passe en Israël ou à Gaza, lorsque l’on aura dépassé l’idée que c’est un événement lointain, on aura franchi une étape et ce sera une leçon précieuse pour les élèves. »
L’Holocauste dans les manuels scolaires
D’après l’avocat, le système scolaire canadien est aujourd’hui entièrement axé sur la diversité. « Le fait de parler de diversité permet d’aborder la question des droits de la personne. On parle des Autochtones, des Noirs, des Musulmans, des Asiatiques… Ils ont évidemment des points communs en matière de droits humains mais aussi des spécificités. »
Pour Luc Brémault, directeur général adjoint des Services éducatifs à la Division scolaire franco-manitobaine (DSFM), cette actualisation de programme est une bonne chose. « Il est important de rappeler les grands événements du passé. Toute information sur la société passe par la connaissance historique et il faut qu’elle soit transmise par notre système éducatif de façon juste. »

Si l’Holocauste était déjà enseigné dans les programmes de sciences humaines lors des enseignements sur la Seconde Guerre mondiale, il s’agit de rendre son instruction davantage officielle. « Avec cette actualisation, c’est la garantie d’inscrire son enseignement de manière plus explicite », souligne Luc Brémault.
C’est le ministère de l’éducation du Manitoba qui est responsable des programmes d’études. « Ils sont en train de revoir tous les programmes d’études, une fois les ajouts décidés, le ministère forme les enseignants pour mettre en place ces réformes. »
Mais l’introduction obligatoire de l’Holocauste dans les programmes scolaire n’est pas le seul changement institué par le ministère. « Il y a également la représentation de la communauté noire ou l’éducation aux perspectives autochtones. Il s’agit de s’assurer que les élèves ont un apprentissage historique et sociétal », souligne-t-il.
Pour le moment, les écoles de la DSFM attendent davantage d’informations au sujet de cette réforme par le ministère. « Pour l’instant nous ignorons l’échéancier et nous attendons les détails », conclut Luc Brémault.
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