À l’ombre des arbres, dans le jardin du patrimoine, au 151 avenue de la Cathédrale, une soixantaine de personnes se sont réunies le 20 juin dans la matinée.
L’on y présentait le projet intitulé M’SHOOMIS ASIN | LE ROCHER GRAND-PÈRE.
Il est le fruit d’une collaboration entre l’Archidiocèse de Saint-Boniface, le Murdoch McKay Collegiate et la Province du Manitoba.
Sur le terrain de la résidence de l’archevêque, Monseigneur Albert LeGatt, quelques éléments nouveaux ont fait leur apparition. L’on trouvera désormais, dans le jardin, une structure métallique conçue pour permettre la mise en place d’une hutte de sudation.
La structure, composée de barres soudées les unes avec les autres. Suffisamment espacée, la structure permet toujours d’observer la grande pierre qui trône en son centre.
Une pierre issue du Bouclier canadien et qui se dresse fièrement au 151 de l’avenue de la Cathédrale depuis longtemps, mais qui prend désormais une nouvelle dimension.
Rebaptisé « Le Rocher grand-père », il est à présent un symbole de réconciliation.
Éduquer et transmettre
Autour de la hutte, deux panneaux d’interprétation ont également été dévoilés ce vendredi. L’on peut lire sur l’un d’eux :
« Pour les Lakotas (Sioux), le rocher grand-père, ou Tunkansinda, est le plus ancien et sert à transmettre le savoir des générations qu’il contient. Il est également sacré. Les rochers doivent donc être respectés.
« Dans un lieu de guérison sacré comme une hutte de sudation, lorsque l’eau frappe les pierres chauffées et que la vapeur monte, les rochers abandonnent leur esprit pour nous aider à guérir, et le processus rappelle le moment de la création. »
C’est Clayton Sandy, Aîné Dakota et survivant de la rafle des années 1960 qui a collaboré sur le projet et pris part à la rédaction des panneaux d’interprétation. Ces derniers ont d’ailleurs été rédigés en langue anglaise et française, mais aussi en anishinaabe et dakota.
Selon lui, « la hutte de sudation est l’équivalent d’une église pour les personnes autochtones. C’est un endroit dans lequel on prie, où l’on se purifie ».
La mise en place de cette structure dans le jardin du patrimoine de l’archevêque est donc riche de sens.
Le deuxième panneau quant à lui donne davantage de détails sur le fonctionnement et l’histoire des huttes de sudation.
Monseigneur Albert LeGatt explique d’ailleurs que le projet lui tenait beaucoup à cœur.
« Dans ce parc, l’on trouve beaucoup d’éléments relatifs à notre histoire. Quand j’ai appris que la pierre avait un sens particulier pour les personnes autochtones, j’ai compris que l’on pouvait travailler à partir de cela. D’autant plus qu’il n’y avait rien ici qui était directement relié aux peuples autochtones. Aux Métis oui, mais pas aux Premières Nations. »
C’est donc dans une atmosphère à l’image de la belle météo de ce jour-là que s’est déroulée la cérémonie de dévoilement.
Engager la jeunesse
Autochtones et non-Autochtones, adolescents et aînés, tous ont pris le temps de célébrer l’aboutissement de ce projet de réconciliation.
« J’espère que les gens apprendront quelque chose ici, et qu’ils en discuteront chez eux, autour de la table à manger, indique Clayton Sandy. J’espère qu’ils amèneront leur partenaire, leurs enfants, leurs petits-enfants. »
La structure de la loge, qui a pris environ trois mois pour être construite, a été réalisée par des étudiants en arts industriels du Murdoch Mckay Collegiate de Winnipeg. Au-delà de la construction en elle-même, « ce fut une excellente expérience d’apprentissage », dit Ryan Beilner, l’un des élèves qui ont travaillé sur le projet.
« Et le fait qu’il sera là pour toujours et que tout le monde pourra le voir. C’est comme une chose à laquelle on peut s’accrocher », ajoute son camarade de classe Josh Jackson.
« On nous a fait vivre une expérience d’apprentissage enrichissante, c’était génial. »
Les étudiants ont eu l’occasion d’en apprendre plus et même de faire l’expérience d’une cérémonie de sudation en compagnie de Clayton Sandy qui se réjouit d’avoir pu accompagner la jeunesse dans ce parcours d’apprentissage.
« Le fait qu’ils soient des élèves, et qu’ils ne soient pas autochtones, ça élargit leurs connaissances et leur vision. Nous avions besoin que nos jeunes jouent un rôle clé dans ce projet. Non seulement en raison de son importance historique, mais aussi parce qu’ils sont porteurs d’espoir pour l’avenir. »
Le travail continue
Finalement, si la route vers la réconciliation est encore longue, l’archidiocèse de Saint-Boniface ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.
Avant de faire mention d’autres projets plus concrets, Monseigneur Albert LeGatt souligne que ce travail consiste aussi en la rencontre entre l’Église et les communautés autochtones. « La réconciliation a plusieurs thèmes, mais ça passe d’abord par la rencontre. »
Toutefois, l’archevêque fait mention d’un autre projet qui se profile. Plus haut sur l’avenue se trouve un terrain libre au nom de la cathédrale.
« Nous souhaiterions faire un transfert de ce terrain vers un organisme autochtone à but non lucratif. »
Monseigneur Albert LeGatt parle de transfert ici, et il a méticuleusement choisi ses mots.
« Lord Selkirk a donné beaucoup de terrains ici aux anglicans et aux catholiques sous couvert du traité Peguis. L’idée était que la terre lui appartenait et qu’il pouvait donc la donner. Du côté des Autochtones, il s’agissait plutôt d’un partage. »
L’organisme qui recevra donc le titre du terrain sera libre de décider ce qu’ils souhaitent en faire. Quant à savoir quand cette initiative se concrétisera, difficile à dire pour le moment, mais l’archevêque confie tout de même « je me retire dans trois ans, j’aimerais que cela soit fait d’ici là ».