C’est autour d’une table de cuisine, lors d’une soirée d’hiver à Sainte-Geneviève qu’une amie lui montre comment faire du perlage à deux aiguilles, une technique traditionnelle utilisée depuis des générations par les artisans et artisanes métis.

Ce moment, d’abord intime et anodin, marque un tournant pour l’artisane : la naissance de Borealis Beading.

Très vite, le geste lent et précis qui caractérise le perlage prend une place centrale dans la vie de Mélanie Gamache. « Je venais de vivre des pertes importantes, et le perlage est devenu une forme de thérapie », explique-t-elle.

Elle-même d’origine métisse, elle y retrouve un ancrage, une façon de se connecter à sa culture et à son histoire. Quelques mois plus tard, l’artisane lance Borealis Beading, une entreprise de création de perlage enracinée dans l’art, la mémoire et l’identité métisse.

Une démarche inspirée par les ancêtres… et les chiens de traîneau

Mélanie Gamache a toujours vécu près de la nature. Elle cueille, récolte, cuisine, chasse aussi. Amoureuse des chiens et adepte du traîneau, elle a partagé sa vie avec plusieurs compagnons canins, dont deux chiens de traîneau décédés peu avant sa découverte du perlage.

C’est d’ailleurs à leur mémoire qu’elle dédie le nom Borealis Beading, un clin d’œil à l’histoire bien connue du Rainbow Bridge, un lieu mythique où les chiens de traîneau attendraient leurs humains après leur décès.

Mélanie Gamache imagine ses chiens dans les étendues froides et argentées du Nord, là où les aurores boréales dansent, et où l’inspiration ne manque jamais.

Une production ancrée dans le Manitoba

Borealis Beading est basée à Sainte-Geneviève, sur un terrain où Mélanie Gamache vit et travaille entourée de ses chiens, de ses plantes, et de ses souvenirs. Elle confectionne des épingles, des accessoires, des porte-clés, des sacs perlés, des bijoux, ainsi que des kits de perlage pour débutants.

Ses créations sont disponibles sur son site web, au Red River Métis Marketplace, ou encore au marché de La Fourche. On peut aussi la croiser lors de certains événements communautaires et culturels, où elle partage autant son art que les histoires qui l’accompagnent.

Depuis 2023, l’entreprise est membre du programme The Original Original, une initiative de l’Association touristique autochtone du Canada visant à promouvoir l’art autochtone authentique.

« C’est important pour moi que ce soit accessible. Je veux que les gens puissent porter une pièce perlée, pas seulement la regarder dans un musée », dit-elle.

Le perlage comme transmission culturelle

Ce n’est pas un hasard si Mélanie Gamache s’est tournée vers le perlage traditionnel. En tant qu’artisane, elle se spécialise dans la technique métisse dite à deux aiguilles, transmise par Jesse McPherson, artiste originaire de Churchill.

Aujourd’hui, elle perpétue à son tour ce savoir-faire dans ses créations comme dans les ateliers qu’elle offre.

« C’est un art magnifique, mais aussi une forme de résistance culturelle. Chaque point est une façon d’honorer les “Flower Beadwork People”, nos ancêtres, et de montrer que nos traditions sont toujours bien vivantes », dit-elle.

Pour ses créations, Mélanie Gamache consacre beaucoup de temps à la recherche : elle explore des archives, des collections privées et visite des musées pour s’imprégner des motifs historiques et comprendre les techniques d’autrefois.

Mais elle ne se limite pas à reproduire le passé. Elle crée également des pièces contemporaines qui intègrent à la fois la tradition et les réalités d’aujourd’hui.

Nature, mémoire et création

Ses œuvres s’inspirent de trois grandes sources : la nature, les récits personnels et l’héritage culturel. La fleur à cinq pétales, souvent associée aux Métis, revient régulièrement dans ses créations.

Mais elle puise aussi dans les saisons, les plantes, les histoires qu’on lui raconte ou qu’elle a vécues elle-même.

« Chaque pièce raconte quelque chose. Il y a une intention derrière les couleurs, les formes, les matériaux. Parfois c’est très personnel, parfois c’est une histoire plus collective. Mais le fil conducteur, c’est toujours l’identité », confie-t-elle.

Mélanie Gamache veille aussi à utiliser des matériaux éthiques dans ses créations. Lorsqu’elle travaille avec du cuir ou des pièces d’os, ceux-ci proviennent d’animaux chassés de manière responsable.

Elle encourage les chasseurs de son entourage à valoriser l’animal dans son entièreté, et applique elle-même ce principe en réutilisant tout ce qui peut l’être.

Un art qu’elle partage avec fierté

Bien que la création de pièces uniques demeure importante à ses yeux, l’activité principale de Mélanie Gamache aujourd’hui, ce sont les ateliers de perlage.

Elle en propose régulièrement, à petite échelle, dans un esprit de partage, de transmission et de connexion culturelle.

Les participants peuvent y apprendre les bases de la technique à deux aiguilles, tout en découvrant l’histoire du perlage métis.

Ces ateliers ont lieu dans son atelier à Sainte-Geneviève, mais aussi parfois dans des écoles, lors d’événements culturels ou en collaboration avec des organismes communautaires.

« C’est une façon d’enseigner, mais aussi de créer des liens. Le perlage, ça se fait souvent en groupe, autour d’une table, en parlant. C’est une forme de transmission qui est très humaine et très chaleureuse », explique-t-elle.

Ces expériences sont offertes dans un esprit de respect et d’accessibilité, avec des groupes réduits pour que chacun puisse bénéficier d’un accompagnement personnalisé.