Au Manitoba, les jeunes francophones veulent travailler mais peinent à trouver des emplois qui valorisent leur langue. Entre motivation et contraintes, leur insertion professionnelle reste un défi.
Au Manitoba, la jeunesse francophone se heurte à une réalité complexe similaire à celles des jeunes canadiens d’expression française dans l’Ouest.
Malgré leur motivation, nombreux sont les jeunes de 14 à 25 ans, désireux de s’insérer sur le marché du travail mais rencontrant des difficultés.
Des défis qui s’inscrivent dans un contexte post-pandémique et qui se manifestent autant dans les communautés rurales que dans les zones urbaines.
Selon Élizabeth Labbée, directrice générale du Conseil jeunesse provincial (CJP), les jeunes francophones veulent travailler et, « c’est assez clair, la motivation n’est pas le problème mais le défi, c’est de trouver un emploi qui respecte leur réalité francophone ».
Le CJP, qui regroupe des jeunes d’expression française de 14 à 25 ans, parfois plus, est un acteur clé pour offrir des activités, des programmes, et du mentorat pour à la fois appuyer et réunir les jeunes.
« Nous travaillons pour la jeunesse, mais avec la jeunesse », souligne-t-elle, rappelant que les initiatives sont co-construites afin de répondre à leurs besoins réels, un mandat similaire à celui de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF).
Constats
Début novembre, la FJCF a publié un mémoire sur l’employabilité des jeunes, appuyant l’évidence d’un manque d’opportunités professionnelles bilingues ou en français.
Il y est mentionné que 68 % des jeunes considèrent le manque d’emplois en français comme un frein à leur insertion professionnelle.
Le Baromètre de la FJCF montre que 64 % des jeunes francophones travaillent (45 % à temps partiel, 19 % à temps plein), et que 29 % recherchent un emploi.
La précarité financière est réelle, avec 40,8 % des jeunes qui indiquent avoir des difficultés à subvenir à leurs besoins, et que 5,8 % d’entres eux font face à de graves difficultés financières.
« C’est sûr que c’est inquiétant pour la jeunesse qui a déjà peu d’expérience parce qu’elle commence sur le marché du travail, d’avoir un manque d’opportunités à leur offrir, ça ajoute une contrainte ou une limite », ajoute-t-elle.
Le mémoire souligne aussi l’importance de renforcer les liens entre les établissements postsecondaires et le marché du travail francophone ou bilingue, afin d’éviter que les jeunes diplômés, par nécessité, se tournent vers des milieux strictement anglophones.
Au Manitoba, le CJP collabore avec différents organismes francophones et programmes d’employabilité jeunesse.
Grâce à des initiatives comme DépasseToi, portée par la FJCF, les organismes peuvent financer l’embauche de jeunes jusqu’à 30 ans, offrant ainsi un tremplin vers le marché du travail. Actuellement, le CJP emploie environ cinq personnes, dont deux à temps partiel, et peut également accueillir des jeunes en emploi d’été via différents programmes.
Toutefois, « même avec des ressources limitées, le CJP est fier du travail accompli et des opportunités créées », précise Élizabeth Labbée.
Sécurité
Cependant, l’accompagnement des jeunes ne se limite pas à l’emploi.
Le mentorat, même informel, constitue un aspect important des activités du CJP. Chaque initiative vise non seulement à apporter du dynamisme à la communauté, mais aussi à accompagner les jeunes dans leur développement personnel et professionnel.
Une approche qui est essentielle pour renforcer le sentiment de sécurité linguistique, non pas chez les jeunes bilingues ou francophones mais ceux d’expression française dans leur globalité.
Comme l’observe Elizabeth Labbée : « Il y a beaucoup de personnes qui ont, par exemple, été dans des écoles d’immersion, qui ont grandi avec des parents qui ne sont pas francophones, ou qui n’ont pas été scolarisés à la Division scolaire franco-manitobaine et qui me disent que leur français n’est pas assez bon. Puis non, en fait il est assez bon! De toute façon, en ayant l’opportunité de travailler dans un milieu bilingue, le français s’améliore et justement ça renforce le sentiment de sécurité linguistique ».
Obstacles
Comme mentionné, le rapport de la FJCF souligne également l’importance de créer des ponts entre les établissements postsecondaires et le marché du travail francophone.
Le CJP contribue déjà à cette dynamique en facilitant la communication et la visibilité des opportunités auprès de ses membres. Outre l’accès à l’emploi, la jeunesse francophone se heurte à des difficultés liées à la dispersion géographique.
Particulièrement dans les zones rurales, où les services en français y sont plus limités. En ce sens, bien souvent les jeunes qui souhaitent rester dans leur communauté doivent parfois se déplacer pour accéder à l’éducation postsecondaire ou à des stages professionnels.
Selon Elizabeth Labbée, « si après tes études, tu es capable d’avoir un emploi en français, il y a des chances que tu restes impliqué dans ta communauté ».
De son côté, la FJCF souligne que plusieurs jeunes se disent préoccupés par le manque d’opportunités professionnelles en français dans leur région, ce qui pourrait les amener à chercher des emplois ailleurs, souvent dans des milieux anglophones.
L’enjeu semble donc aller au-delà de la simple question de l’emploi, il s’agit ici de favoriser la rétention, de maintenir et de développer une communauté francophone dynamique à qui l’on offre de réelles perspectives d’avenir.
En dépit d’un marché du travail marqué par des contraintes de langues, de ressources et de géographie, le CJP au même titre que d’autres acteurs communautaires et éducatifs, joue un rôle clé pour surmonter ces obstacles.
Au Manitoba, dit-elle, « les jeunes ont la motivation et l’envie, mais pour qu’ils puissent rester et s’épanouir en français, il faut des milieux où leur langue est vraiment valorisée ».




