La Fédération des francophones de la Colombie-Britannique n’a pas encore décidé si elle contestera un jugement du 23 mai de la Cour fédérale, qui exonère Ottawa dans la fermeture en 2011 de cinq centres d’aide à l’emploi dans la province. La cause aura néanmoins permis de faire avancer le dossier des services en français au plan politique.

Par Jean-Pierre DUBÉ (Francopresse)

Le tribunal soutient que le fédéral n’a pas négligé ses obligations législatives en transférant les services d’emploi en français à la Province en 2008, et ne blâme pas la Colombie-Britannique. Le juge Denis Gascon laisse toutefois entendre que le régime linguistique fédéral est insuffisant.

« Il est indéniable, à mon avis, que la portée de l’obligation contenue à l’article 41 (de la Loi sur les langues officielles) se trouve handicapée par l’absence de règlements, explique le juge. Ce silence règlementaire et l’imprécision qui en découle le sont probablement au détriment des minorités linguistiques au Canada, qui perdent peut-être un bénéfice potentiel attendu de la partie VII. »

La Fédération est déçue du jugement. En 2011, elle avait déposé une plainte au Commissariat aux langues officielles qui lui avait donné raison sur le fond deux ans plus tard.

Selon le communiqué de l’organisme, le grief était bel et bien fondé puisque la Cour reconnaît « un démantèlement du régime des services à l’emploi (dans la province) et que la loi (fédérale) sous sa forme actuelle n’est pas assez spécifique pour résoudre ce problème. »

Un impact sur les ententes fédérales-provinciales

La Colombie-Britannique n’aurait pas d’obligation relative au bilinguisme institutionnel. La Cour a stipulé que les motifs financiers menant à la fermeture des services en français (à Kelowna, Penticton, Prince George et Vancouver) pouvaient se justifier.

« La fourniture des services d’aide à l’emploi prévus constitue un exercice valide de la compétence législative de la province et que, par conséquent, la Colombie-Britannique n’agit pas pour le compte d’une institution fédérale. »

À titre d’intervenant dans cette affaire, le commissaire aux langues officielles (CLO) avait signalé qu’il cherchait une interprétation des articles IV et VII de la Loi. Selon le juge Gascon, les éclaircissements demandés par la Fédération et le CLO pourraient avoir un impact sur l’ensemble des ententes fédérales-provinciales.

Le président Jean Johnson de la Fédération des communautés francophones et acadienne déplore (FCFA) qu’après une décennie de pressions, l’administration fédérale n’a toujours pas adopté des mesures positives pour appuyer le développement des communautés.

Exiger maintenant une modernisation de la Loi

« Et maintenant, écrit le président Johnson, voilà un juge qui nous dit que l’article 41, où figure cette question de mesures positives, n’impose pas d’obligations précises et particulières aux institutions fédérales. C’est absolument renversant. »

Le jugement porte sur les circonstances de 2011, mais ne tient pas compte de l’évolution du dossier et des efforts courants pour moderniser la Loi. « J’avais concentré mon travail auprès des législateurs, souligne la présidente Padminee Chundunsing, et nous avons commencé à envisager la modernisation de la loi. Par cette décision, la Cour vient de nous donner raison. »

Selon la FCFA, le jugement ouvre la porte au gouvernement d’agir de façon décisive. « Ce que nous lisons dans la décision est frustrant, mais en même temps ça nous dit que nous avions raison d’exiger une modernisation pour corriger les faiblesses de la Loi. »

Patrimoine canadien et le Conseil du Trésor ont entrepris la révision du Règlement, suivant des pressions de minorités francophones inquiètes notamment de la fermeture de services fédéraux. Le Comités sénatorial des langues officielles a entamé en 2017 une révision du texte législatif et entendu quelques 120 témoins. Son rapport est attendu en 2019, au moment du 50e anniversaire de la Loi.