Alors que l’été est souvent synonyme de ressourcement et de rencontres multiples, l’institut de recherche Angus Reid est allé à contre-courant. Il vient de sortir une intéressante étude donnant un index sur la solitude et l’isolement social au Canada. Les francophones en seraient-ils plus atteints que les autres ?

 

Par André MAGNY (Francopresse)

 

En introduction, l’institut basé à Vancouver définit d’abord les différences entre solitude et isolement social. Ce dernier peut être décrit de façon objective, lié à divers comportements sociaux tels le nombre de contacts avec les autres ou les actions faites auprès des autres. Par contre, la solitude est avant tout subjective. Selon la recherche menée par Angus Reid, en collaboration avec Cardus, un autre institut de recherche canadien, la solitude est un « décalage entre la quantité et la qualité de relations interpersonnelles qu’une personne a véritablement et ce qu’elle souhaiterait avoir. » Autrement dit, dans une salle pleine de gens, une personne peut ne pas être isolée, mais se sentir terriblement seule.

Les groupes à risque

Grosso modo, l’étude révèle qu’un peu plus de 60 % des Canadiens disent qu’ils aimeraient que leurs amis et leur famille passent plus de temps avec eux. De l’autre côté du spectre, seulement 14 % des personnes interrogées décrivent leur vie sociale comme très bonne. En fait, pour l’ensemble des questions posées, le groupe le plus choyé de l’étude représente 22 % des personnes sondées et est associé aux gens susceptibles d’être mariés, d’avoir des enfants et de gagner 100 000 $ ou plus. Est-ce vraiment surprenant?

Alors, qui est en situation de faiblesse par rapport à l’index sur la solitude et l’isolement social (ISIS)? Les gens de plus de 55 ans avec un revenu de moins de 50 000 $, les minorités visibles, les Autochtones, les personnes faisant partie du groupe LGBTQ2.

Dans cet index divisé en cinq groupes allant du solitaire au plus entouré, les chercheurs de chez Angus Reid mentionnent également que certains moyens peuvent aider à briser l’isolement. Selon Angus Reid, les activités liées à la foi comme la prière ou la fréquentation aux offices religieux aident à diminuer le sentiment de solitude. Pour les plus technos, utiliser des médias sociaux, texter ou se servir d’appels vidéos aide à rester branchés avec la famille et les amis.

Et les francos dans tout ça?

Bien que l’étude ne fasse pas mention des francophones en milieu minoritaire et de leur degré de solitude, celle-ci intéresse certains organismes bien au fait d’une telle situation.

Du côté de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), Sue Duguay, la présidente, affirme que c’est « un sujet dont on parle. C’est certain qu’on peut se sentir plus isolé en milieu minoritaire. »

Pour la présidente, contacter des organismes jeunesse des différentes provinces et territoires comme ceux regroupés par la Fédération, c’est souvent un premier pas pour briser l’isolement. « Nous sommes très conscients du concept des multiples minorités, qu’on soit, par exemple, francophone issu de l’immigration en plus de faire partie des LGBTQ2. Heureusement, les nombreuses activités de nos organismes font en sorte qu’on essaie de joindre beaucoup de jeunes. »

À l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne, la directrice générale, Soukaina Boutiyeb, n’est pas surprise de certaines conclusions de l’étude d’Angus Reid à savoir, par exemple, que les immigrants ou les Autochtones sont plus susceptibles d’être isolés socialement. Les femmes n’y échappent pas. Ainsi, certaines données démontrent clairement que les aidants naturels, qui sont souvent des femmes, vont donner de leur temps, mais vont prendre rarement du temps pour elles. Même chose pour les femmes victimes de violence. Elles sont souvent isolées. « C’est ce type de clientèle qu’on perd malheureusement. »

Que fait l’Alliance dans de tels cas? Essentiellement organisme porte-parole, l’Alliance a toutefois de nombreux partenaires. Mme Boutiyeb cite notamment une ressource comme Pluri-Elles au Manitoba, qui se spécialise dans les domaines de l’éducation, de la formation, de l’économie, de la culture, de la santé et des services sociaux. Ce type d’organisme aide les femmes à briser l’isolement en donnant, par exemple, des cours sur l’alphabétisation.

Si l’étude d’Angus Reid mentionne peu les femmes, la directrice générale souligne au passage que vers la mi-septembre, l’Alliance dévoilera justement sa propre enquête sur les besoins des femmes. « Il manque d’études ciblées sur les femmes francophones. » Mi-septembre, mais ce sera à un mois des élections! Est-ce que l’isolement social des francophones et des femmes en particulier pourrait être un enjeu social? « Je l’espère! », laisse tomber la DG d’une voix chaleureuse.