Dans cette même logique de lutte, à l’Université de Winnipeg, le professeur Anuraag Shrivastav a mis au point un test sanguin capable d’identifier le niveau d’expression de certains biomarqueurs associés au risque de récidive.

Le cancer du sein est le type de cancer le plus courant chez les  femmes au Canada.

Bien qu’il existe des cas, c’est un type de cancer qui est beaucoup plus rare chez les hommes.

Au Manitoba, en 2024, 72 % des femmes âgées de 50 à 74 ans ont déclaré avoir passé une mammographie au cours des trois dernières années, une proportion légèrement moindre au taux national de 79 % observé en 2024 par Statistique Canada.

Au croisement de l’enjeu sanitaire et de l’innovation scientifique, le travail du professeur Anuraag Shrivastav pourrait marquer un tournant dans la prévention du cancer du sein, et dans la façon dont on suit les patients après un diagnostic.

Il explique avoir « toujours voulu comprendre ce qui fait qu’une cellule normale devient cancéreuse, et ce qui pousse une tumeur primaire à devenir métastatique », c’est-à-dire à se détacher de sa tumeur d’origine, à voyager dans le corps ou même à se fixer ailleurs.

Avec son laboratoire de recherche, le professeur Anuraag Shrivastav a mis au point un test sanguin inspiré de ses travaux sur les biomarqueurs identifiés dans les tissus tumoraux, permettant d’évaluer le risque de récidive.

Un test pensé accessible

Tout a commencé avec une étude sur le cancer colorectal, et une piste.

En effet, en analysant le sang de certains patients, atteints du cancer colorectal, il a découvert une surproduction de certaines protéines.

C’est là que l’idée se constitue, celle de transposer la méthode au cancer du sein avec un test sanguin.

Grâce à la banque de tumeurs du Manitoba, « l’une des meilleures en Amérique du Nord », selon le professeur, son équipe et lui ont pu examiner près de 600 échantillons de patients n’ayant encore jamais reçu de traitement.

« Nous avons découvert des signatures moléculaires uniques, souligne-t-il. Elles nous permettent de savoir, dès le départ, si le patient pré- sente un risque de rechute. »

Contrairement à des tests existants, comme Oncotype DX ou bien MammaPrint, parfois coûteux ou difficile d’accès, le sien pourrait être assez « facilement intégré au panel d’analyses déjà pratiquées ».

Le test n’est pas encore utilisé pour le dépistage généralisé mais plutôt dans les cas de prédiction du risque de récidive, avec l’objectif à terme de mieux adapter les traitements.

Les différentes formes du cancer

Quand on parle du cancer du sein, on pense souvent, à tort, qu’il s’agit là d’une seule maladie.

En vérité, il en existe plusieurs formes, classées selon la présence d’oestrogène, de progestérone ou de protéine HER2 par exemple.

Le plus souvent, les cancers du sein sont qualifiés d’hormonosensibles car les récepteurs alimentent la croissance des cellules qui provoquent ensuite des tumeurs.

C’est le cas de près de 70 % des cancers, et pour ceux-là des thérapies existent déjà.

Cependant, il y a aussi les cancers dits triples négatifs, et ceux-là, ne présentent en eux aucun des trois récepteurs.

Ce type de cancer, plus agressif, représente 10 à 15 % des cas, et concerne davantage des femmes plus jeunes.

Les femmes noires et hispaniques sont plus souvent touchées par cette forme de cancer, selon les études.

Pour ces patientes, comme l’explique le professeur, il n’existe pas encore de traitement ciblé.

En ce sens, « elles reçoivent de la chimiothérapie, ce qui reste très lourd ».

Financement et écosystème

Pour Anuraag Shrivastav, la recherche semble prometteuse mais son équipe prépare la prochaine étape, des résultats d’une étude préclinique pouvant amener à des essais cliniques dans le futur.

« Si les essais précliniques sont positifs, ce serait le premier traitement ciblé contre le cancer du sein triple négatif. »

En effet, le professeur souligne l’aspect financier car « on parle souvent de centaines de millions de $ pour amener un médicament sur le marché ».

Néanmoins, il garde espoir : « nous avons la chance d’avoir déjà identifié une molécule déjà testée, ce qui nous fait gagner du temps ».

Le projet novateur du professeur Shrivastav a bénéficié d’une subvention d’innovation de Research Manitoba, ainsi que du soutien de l’Université de Winnipeg, mais en dépit de cela l’aspect financier reste l’un des obstacles principaux à la recherche.

Anuraag Shrivastav reconnaît que « le financement reste toujours un défi, et plus encore c’est en fait l’écosystème qui est aussi à renforcer ».

En cela, le professeur cite des modèles comme la ville de Boston ou San Francisco, où les découvertes scientifiques se transforment plus facilement en applications concrètes.

Pour autant, le professeur Shrivastav croit durement au potentiel local : « ce que nous faisons ici à Winnipeg peut avoir un impact mondial ».

Geste simple et essentiel

En attendant que la recherche avance, le dépistage reste la façon la plus efficace de contribuer à la lutte contre le cancer du sein.

Au Manitoba, le programme BreastCheck, géré par CancerCare Manitoba, offre des mammographies gratuites aux femmes âgées de 50 à 74 ans (1).

Le programme, par le biais de Nifemi Bell-Gam, éducatrice santé, rappelle que les personnes admissibles devraient passer une mammographie tous les deux ans.

Nifemi Bell-Gam, éducatrice santé au sein du programme de dépistage et de prévention de CancerCare Manitoba (BreastCheck, CervixCheck et ColonCheck).
Nifemi Bell-Gam, éducatrice santé au sein du programme de dépistage et de prévention de CancerCare Manitoba (BreastCheck, CervixCheck et ColonCheck). (photo : gracieuseté)

« Notre rôle est d’encourager les Manitobaines à passer à l’action, le programme envoie des lettres d’invitation aux femmes admissibles et mène des campagnes de sensibilisation. »

Bien que l’interruption temporaire des services de Postes Canada a récemment perturbé l’envoi des lettres de résultats, les équipes de BreastCheck continuent de contacter les patientes en cas de résultat anormal.

De plus, CancerCare Manitoba offre des dépistages à travers la province grâce à quatre cliniques fixes à Winnipeg, Brandon, Thompson et Boundy Trails, ouvertes toute l’année.

Certaines sont mobiles, ainsi deux cliniques mobiles se déplacent dans environ 90 collectivités dont Gimli, Cross Lake, au Lac-du-Bonnet ou encore à Sainte-Rose-du-Lac (2).

Du côté de la Province, en septembre 2024, le gouvernement du Manitoba a annoncé une nouvelle mesure visant à permettre à davantage de personnes de passer un test de dépistage.

La Province a annoncé son intention d’abaisser progressivement l’âge requis à 45 ans d’ici fin 2025. Et à 40 ans d’ici fin 2026.

Nifemi Bell-Gam précise que BreastCheck se prépare déjà à cette évolution, qui selon elle « demande de nouveaux moyens, plus d’infrastructures, plus de personnels et davantage de ressources ».

Néanmoins elle assure que le programme a déjà « commencé à renforcer les capacités afin de pouvoir offrir ces services au plus grand nombre de Manitobaines ».

Sur le sujet de la prévention, le professeur insiste : « Allez vous faire dépister. Le dépistage sauve des vies. Oui, la mammographie est un peu douloureuse, mais cette douleur en vaut la peine, si c’est pour vous permettre de détecter tôt un cancer ».

Du côté de BreastCheck le message est le même, pour Nifemi Bell-Gam.

« La détection précoce sauve des vies, le dépistage peut repérer un cancer deux à trois ans avant qu’il ne soit vraiment perceptible, et plus un cancer est détecté tôt, plus il y a de chances de guérison ».

En ce mois d’octobre, le message reste donc le même, informer et encourager au dépistage.

« Il faut plus de campagnes, plus d’efforts pour encourager les femmes à se faire dépister. La science avance, mais la prévention reste notre meilleure défense », conclut le professeur Shrivastav.

(1) Les personnes qui souhaitent passer un test peuvent appeler le 1-855-952-4325 pour prendre rendez-vous.

(2) La liste des cliniques à travers la province.