Entre Dakar, Montréal et Winnipeg, Anna Binta Diallo tisse des paysages de mémoire et d’appartenance.
En 2025, l’artiste franco-manitobaine multiplie les expositions à travers le pays, portant haut une vision de l’art où la lumière dialogue avec les origines et les traces du passé.
En 2025, l’artiste visuelle franco-manitobaine Anna Binta Diallo connaît une année charnière.
De Vancouver à Toronto, en passant par Edmonton et Winnipeg, ses expositions se succèdent, confirmant la place qu’elle occupe désormais parmi les figures majeures de la scène artistique canadienne contemporaine.
Née à Dakar (Sénégal) en 1983 et élevée à Saint-Boniface, Anna Binta Diallo tisse depuis toujours des liens entre les continents et les mémoires.
Ses œuvres explorent les intersections entre identité, nostalgie et nature, dans un langage visuel qui conjugue collage, vidéo, graphisme et sculpture.
« Le collage est depuis longtemps au cœur de ma démarche, confie-t-elle. J’aime réagencer des images anciennes, des sons, des fragments d’archives pour construire de nouveaux récits. »
L’artiste collecte cartes, livres et photos qu’elle transforme en compositions hybrides, à la croisée du passé et du futur.
De Montréal à Berlin, puis retour aux Prairies
Diplômée en beaux-arts de l’Université du Manitoba, Anna Binta Diallo s’est perfectionnée à Montréal, où elle a obtenu en 2009 un certificat en technologies numériques appliquées aux arts visuels à l’Université Concordia.
Une maîtrise au Transart Institute de Berlin lui a ensuite permis d’affiner sa réflexion conceptuelle.
« Avant ma maîtrise, je créais beaucoup, mais sans savoir comment articuler mes idées, dit-elle. Cet apprentissage m’a permis de comprendre et de verbaliser ce que je faisais, de lier les projets entre eux. »
Après plus de quinze ans à Montréal, elle rentre en 2021 à Winnipeg pour enseigner à l’Université du Manitoba.
Professeure à l’Université du Manitoba, elle transmet une réflexion sur l’art contemporain et les identités multiples, dans la continuité des thèmes qu’elle explore dans son œuvre.
Une année d’expositions majeures
L’année 2025 marque un véritable tournant.
L’artiste a vu s’enchaîner les projets d’envergure : « J’avais trois expositions en même temps au mois de février! »
Ses créations — entre lumière, verre, archives et paysages — circulent à travers le pays, chacune explorant une facette de sa réflexion sur la mémoire et le temps.
– Those Mountains of Shadows and Valleys of Light, Mitchell Art Gallery, Edmonton (27 mai – 8 août 2025).
Œuvres sur papier japonais et plexiglas suspendu, entre géologie et cartographie poétique.
L’artiste y explore les traces du temps et la manière dont les cartes façonnent notre regard sur le monde.
– Héliophile, Galerie Buhler, Winnipeg (6 juin – 22 août 2025). Une exposition lumineuse autour du souvenir de son grand-père, l’architecte Étienne Gaboury, et de la symbolique du verre.
« J’aime expérimenter. Le verre est fragile et transparent, mais il porte la lumière », dit-elle.
– Predictions, The Polygon, North Vancouver (10 juillet –9 novembre 2025).
Prolongement de ses séries Voyageur / Almanac et Wanderings, l’exposition interroge les modes de prévision et les manières dont les sociétés imaginent l’avenir.
– Fluid Fossils, Harbourfront Centre, Toronto (été – 31 décembre 2025). Installation murale en plein air, visible jour et nuit, où les silhouettes humaines deviennent des fossiles mouvants. Une réflexion sur la mémoire collective et l’interdépendance des temps.
– Oscura, Stewart Hall, Québec (été 2025 – printemps 2026). Installation extérieure où les ombres et la lumière dialoguent avec la végétation du parc, dans une continuité naturelle de ses recherches sur les cycles du vivant.
Entre héritage et renouveau
Chaque projet nourrit le suivant, selon une logique de continuité.
« Il y a souvent des questions restées en suspens dans une série d’œuvres, que je poursuis dans la suivante », explique-t-elle.
Son œuvre, traversée par la nostalgie et le sentiment d’appartenance multiple, témoigne d’un parcours où l’intime rejoint le collectif. Après cette année de grande visibilité, l’artiste prévoit de prendre un congé sabbatique en 2026 : « J’ai besoin d’un temps de respiration, de réfléchir à ce qui a été accompli et à ce qui vient ensuite. »
Une pause nécessaire pour celle dont l’art, en constante évolution, invite à regarder la mémoire comme un territoire toujours en mouvement.

