Les résultats des élections fédérales, le 2 mai, ont redessiné en profondeur la carte électorale du Canada, donnant une majorité aux Conservateurs avec 166 sièges sur 308 au moment d’écrire ces lignes. (NDLR : Les chiffres mentionnés étaient ceux disponibles au moment d’écrire ces lignes, à 1 h 20 du matin le 3 mai)

L’ÉQUIPE DE LA LIBERTÉ

Les élections fédérales du 2 mai ont changé en profondeur le visage politique du Canada. Le Parti conservateur (PC) en est sorti majoritaire et le Nouveau Parti démocratique (NPD) a connu un essor spectaculaire, notamment au Québec, pour devenir l’Opposition officielle.

À l’inverse, le Parti libéral (PL) et le Bloc Québécois (BQ) se sont effondrés. Les leaders du PL, Michael Ignatieff, et du BQ, Gilles Duceppe, n’ont en effet pas été réélus dans leur propre circonscription et leurs partis ont subi des pertes de sièges historiques.

Shelly Glover
Heureuse de sa victoire, la députée conservatrice de Saint-Boniface Shelly Glover remercie ses partisans.

Majorité conservatrice
Avec 167 sièges au moment d’écrire ces lignes, le PC dépassait de 12 sièges la majorité absolue. « C’est le signe d’un désir de stabilité au gouvernement de la part de nombreux électeurs, analyse le politologue, Raymond Hébert. Ils en ont marre des élections tous les deux ans. Ils veulent aussi une stabilité économique et Stephen Harper a su les convaincre. »

Il prévient toutefois qu’« un gouvernement majoritaire conservateur fort risque de sabrer éventuellement dans de nombreux programmes, y compris ceux touchant les francophones ».

L’analyste politique Michel Lagacé est moins inquiet. « Il est difficile de prédire l’impact d’une majorité, dit-il. Il faudra voir qui seront les ministres forts du gouvernement Harper pour savoir si les francophones auront des appuis. »

De même, le président-directeur général de la Société franco-manitobaine (SFM), Daniel Boucher, va « tenter de tisser des liens avec les Conservateurs. On a eu des difficultés sur certaines questions, mais aussi des terrains d’entente, rassure-t-il. On espère continuer à progresser. »

Selon lui, « la dualité linguis­tique reste importante pour le gouvernement Harper. Le fait que les Conservateurs soient majoritaires ne changera pas l’appui aux communautés francophones minoritaires, donc je ne suis pas inquiet ».

« C’est une soirée extra­ordinaire, se réjouit le candidat conservateur de Provencher, Vic Toews, réélu avec 70,6 % des voix. Nous avons réalisé de grandes victoires, notamment à Saint-Boniface et Winnipeg Centre-Sud. »

La candidate conservatrice de Saint-Boniface, Shelly Glover, a en effet été réélue avec 50,3 % des voix. C’est une première dans la circonscription qu’un député conservateur soit élu deux fois de suite. « Shelly Glover a su cultiver le vote francophone, explique Raymond Hébert. Comme députée, elle a été présente à de nombreux événements et a remis plusieurs octrois à des organismes francophones. »

À Winnipeg Centre-Sud, c’est la Conservatrice Joyce Bateman qui a détrôné la candidate libérale sortante, Anita Neville, avec 38,8 % des voix.

Montée du NPD
« La dynamique autour du NPD va être intéressante, anticipe Raymond Hébert. Ce sera l’Opposition officielle, mais surtout ce sera le seul parti représentant fortement le Québec. Ça va les mettre dans une situation délicate sur le plan national. »

Avec 58 députés néo-démocrates élus au Québec sur 102 dans tout le Canada, la vague est en effet orange au Québec, ce qui est historique selon Michel Lagacé. « Le Québec a voté pour un parti d’Opposition, il n’aura donc pas grand poids, affirme-t-il. C’est du jamais vu au Canada que la base du gouvernement soit l’Ontario et l’Ouest, mais pas le Québec. »

Dans la circonscription de Winnipeg Nord, la candidate néo-démocrate, Rebecca Blaikie, a perdu de peu l’élection au profit du député libéral sortant, Kevin Lamoureux. Elle se dit toutefois « très fière des efforts de son équipe » et « émue de voir une telle victoire de son parti. Je ne pensais jamais qu’on réussirait si vite », se réjouit-elle.

Son frère, Daniel Blaikie, ajoute que « les gens ont compris lors de cette campagne ce qu’était le NPD. On est les grands gagnants ».

Le grand perdant
Outre la cuisante défaite du BQ au Québec, au profit du NPD, c’est surtout le PL qui a subi « un lavage historique, affirme Michel Lagacé. Il est à son plus bas niveau historique ».

« Michael Ignatieff n’a pas réussi à faire passer son message, analyse Raymond Hébert. Les Canadiens ne se sont pas identifiés à lui. Il était trop vu comme un aristocrate détaché du peuple. Ce soir, sa carrière politique et celle de Gilles Duceppe sont finies. »

Au quartier général du candidat libéral perdant de Saint-Boniface, Raymond Simard, le choc était d’ailleurs complet et presque personne n’avait la force de commenter les résultats. « Une vague bleue a traversé le Canada et c’était comme si on ne pouvait rien y faire même si on a tous beaucoup travaillé », confie une bénévole pour la campagne de Raymond Simard, Darcie Kiene.

Raymond Simard ajoute qu’il est « surpris des résultats à Saint-Boniface car j’ai visité près de 90 % des maisons de la circonscription et j’avais de très bonnes réactions ».

Si, selon Raymond Hébert, « la carrière politique fédérale de Raymond Simard pour le Manitoba est finie après une telle défaite », il reste à voir ce qu’il adviendra du PL.

« Plusieurs scénarios sont possibles, conclut-il. Le PL pourrait se réinventer autour d’un nouveau chef et d’un nouveau programme, mais ça prendrait des années. Ou alors, il pourrait éclater entre l’aile progressiste et l’aile capitaliste. »

Par ailleurs, le Parti vert du Canada était satisfait que sa chef, Elizabeth May, ait remporté sa circonscription de Saanich-Gulf en Colombie-Britannique. « On avait concentré nos ressources là-dessus, se réjouit le candidat vert à Saint-Boniface, Marc Payette. C’est une victoire pour nous qu’elle ait gagné car on sera représentés au Parlement. »