Louis Paquin
Louis Paquin

Les intentions de CBC/Radio-Canada concernant le renouvèlement de sa licence par le CRTC inquiètent les producteurs francophones en région.

Camille SEGUY

CBC/Radio-Canada prévoit faire renouveler sa licence par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Le CRTC a toutefois indiqué le 8 juillet qu’il ne traiterait pas le dossier avant le 4 juin 2012. Les audiences étaient initialement prévues en septembre 2011.

« Notre licence actuelle date de 2000, un temps où on n’était pas aussi impliqués que maintenant dans les plateformes numériques et où la radio et la télévision avaient des organisations séparées, explique la directrice générale de la planification stratégique à Radio-Canada pour les services en français, Marie-Philippe Bouchard. Cela ne correspond plus à notre réalité, d’où la nécessité de renouveler notre licence. »

Cette démarche crée de l’inquiétude chez les producteurs de films, notamment les francophones en région, car CBC/Radio-Canada a annoncé vouloir en profiter pour faire alléger les conditions régissant la licence, en particulier en ce qui concerne les projets en milieu francophone minoritaire.

« Les conditions de la licence de 2000 sont très détaillées et contraignantes, donc on veut prendre du recul par rapport à ça, indique Marie-Philippe Bouchard. On veut garder les conditions pour un minimum de programmation en région, mais pouvoir être plus souples que maintenant dans nos investissements. »

Vive opposition

« Tous nos membres s’opposent à un allègement des conditions imposées par la licence du CRTC car l’une des obligations de CBC/Radio-Canada, comme service public, doit rester d’investir dans les productions francophones indépendantes en région, affirme la directrice générale de l’Alliance des producteurs francophones du Canada (APFC), Natalie McNeil. On veut avoir la garantie que ça continue. »

Marie-Philippe Bouchard assure cependant que « Radio-Canada est conscient que le maintien de son rapport avec les producteurs indépendants en région est vital pour ces derniers.

« On a pris des engagements très fermes à ce sujet dans notre plan stratégique, poursuit-elle, pour développer notre offre de contenu régional. On a investi environ 5 millions $ par an pour cela, bien au-delà des attentes de la licence actuelle, et notre plan stratégique a été entériné jusqu’en 2015 donc nos orientations ne changeront pas entre-temps ».

Le producteur exécutif des Productions Rivard, Louis Paquin, remarque néanmoins que « même si la direction actuelle de Radio-Canada est favorable aux productions en région aujourd’hui, cela pourra vite changer s’il n’y a aucune obligation, et détruire tout ce que les producteurs indépendants en région ont construit les 15 dernières années ».

Il ajoute que « si Radio-Canada veut vraiment être plus présent en région, pourquoi veulent-ils alors alléger ces conditions qui sont déjà minimales? Ce n’est pas logique ».

Question de survie

Le problème est d’autant plus important que les producteurs indépendants hors des grands centres comme Montréal et Toronto n’ont pas beaucoup de diffuseurs à disposition. Pour les francophones notamment, Radio-Canada est souvent le principal, voire l’unique, diffuseur.

« Pour le moment j’ai d’autres diffuseurs que Radio-Canada, mais on ne fait que des projets en anglais ou en langues autochtones, confie le producteur et fondateur de Média RendezVous, le Franco-Manitobain Charles Clément. Comme je veux aussi travailler dans ma langue maternelle, le français, j’ai besoin de Radio-Canada pour réaliser mon rêve et diffuser mes productions.

« Si Radio-Canada n’est plus obligé de faire affaires avec les producteurs en région, ça risque d’avoir un sérieux impact sur notre possibilité de mener des projets en français et en région, estime-t-il. Je suis inquiet pour l’industrie du film. »

De même, Louis Paquin est catégorique. « Si Radio-Canada décide de ne rien acheter des Productions Rivard pendant deux ans car rien ne les y oblige, il n’y aura plus de Productions Rivard. Certes, on travaille avec d’autres diffuseurs, mais juste pour des projets ponctuels et souvent parce que Radio-Canada est là aussi. »

Délai

« CBC/Radio-Canada a l’intention de préserver l’essentiel de son rapport et de sa demande d’ici les audiences du 4 juin 2012, mais il faudra faire quelques mises à jour, notamment pour les prévisions financières », indique Marie-Philippe Bouchard.

En attendant, les producteurs préparent eux aussi leur contre-argumentaire et souhaitent y impliquer les communautés. « Ce débat doit sortir des maisons de productions et impliquer l’ensemble de la communauté, car c’est un enjeu important pour tous, affirme Louis Paquin. Plus on sera nombreux à se montrer préoccupés, plus on aura de chances d’être écoutés par le CRTC. »

L’APFC a déjà le soutien de le Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA). Le public sera aussi invité, plus tard, à se prononcer. Le CRTC a annoncé qu’il donnerait plus d’Information d’ici le 1er février 2012. (1)

« Les obligations de Radio-Canada de faire des projets avec des producteurs régionaux doivent rester écrites et chiffrées, conclut Natalie McNeil, car Radio-Canada doit représenter toute la francophonie canadienne et la diversité de contenu ne viendra pas de Montréal. Et même si cette diversité est inscrite dans le plan stratégique de Radio-Canada, elle doit être encadrée pour être garantie. »

(1) L’information est à venir sur le site du CRTC, www.crtc.gc.ca, ou encore par le biais de CBC/Radio-Canada : www.cbc.radio-canada.ca/licencecrtc.