À tous mes concitoyens,

Voulons-nous voir disparaitre La Liberté, un des phares de la communauté francophone du Manitoba, un des plus anciens journaux du Canada? Non. Et je le dis en notre nom à tous, non! Non, il ne faut pas que La Liberté disparaisse.

Mais c’est ce qui risque de se produire suite aux changements apportés par le Ministère du Patrimoine et des Langues officielles du Canada au programme de financement des périodiques en milieu minoritaire. En effet, le ministère a établi une nouvelle formule pour distribuer les subventions du Fonds canadien pour les périodiques. Au départ, l’intention était louable. J’imagine que le Ministère voulait permettre une répartition plus équitable des sommes, stabiliser le financement, générer des emplois, pousser les journaux à augmenter le nombre d’abonnements. Mais pour La Liberté, c’est une catastrophe. Le mieux est parfois l’ennemi du bien.

La nouvelle formule favorise les journaux dont le lectorat est concentré sur un territoire restreint et qui ne dépendent donc pas de la poste. Sur les 13 journaux francophones qui bénéficient de ce programme, neuf ont vu leurs subventions augmenter, quatre ont subi des coupures. La Liberté est dans ce deuxième groupe. Puisque son lectorat est dispersé sur tout le Manitoba, dans plusieurs villes du Canada et même sur d’autres continents, elle doit utiliser la poste.

Combien La Liberté perd-elle ainsi ? 50 % de la subvention à laquelle elle avait droit avant, 60 000 $!

Pour notre journal, la perte de ces 60 000 $ engendrera une spirale mortelle. 60 000 $ en moins, égale moins de journalistes, égale moins de reportages, égale moins de pages, égale moins de lecteurs, moins de publicité, moins de revenus, moins de journalistes, etc. Égale la disparition de La Liberté.

Pour notre communauté, la perte de La Liberté sera une catastrophe. Depuis 99 ans, La Liberté est notre presse, d’un journalisme rigoureux et indépendant de toute allégeance – à l’exception de la défense de la liberté de notre communauté. La Liberté c’est un regard indépendant qui nous révèle à nous-mêmes et aux autres. La Liberté, c’est un lieu de débat, c’est une voix pour tous ceux qui veulent prendre la plume, c’est l’endroit pour célébrer nos réussites et comprendre nos défaites. La Liberté c’est une fenêtre ouverte sur les artistes, les entrepreneurs, les éducateurs, les sportifs, les bénévoles, les organismes politiques et sur notre communauté entière.

Puisque le gouvernement fédéral est tenu par la Loi sur les Langues officielle (partie VII) de prendre des mesures positives afin d’assurer la prospérité des communautés de langues officielles minoritaires, je persiste à croire que l’effet négatif de la nouvelle formule de financement n’était pas voulu. S’il n’est pas voulu, il est facile d’y remédier.

Depuis 99 ans, sans interruption, La Liberté est le témoin de notre histoire. Cette chronique hebdomadaire de la vie de notre communauté, ne la perdons pas. C’est un bien trop précieux pour nous et pour nos enfants. Si nous laissons cette voix se taire, ce sont toutes nos voix qui une à une se tairont.

Pour ne pas la perdre cette voix, élevons chacun la nôtre, exigeons le réaménagement des modalités de financement des périodiques afin que tous nous puissions prospérer.

 

Bertrand Nayet | Saint-Norbert (Manitoba) | Le 30 mai 2012