La Liberté ÉDITO

Par Bernard Bocquel

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La Liberté du 10 février 2016

En plein Festival du Voyageur comme il se doit, se tiendra lundi 15 février la 9e Journée Louis Riel Day. Cette journée de congé instaurée par la Province du Manitoba en 2008 a été placée sous le signe de l’esprit métis par la volonté d’écoliers manitobains qui avaient soumis le nom de Louis Riel. (11 écoles sur 114 écoles participantes.)

Les décideurs politiques ont très judicieusement opté de respecter leur intuition. Peut-être parce qu’ils ont choisi de mettre leur confiance dans les voix de l’avenir ; sûrement parce que les milieux politiques savent fort bien que la pendaison pour haute trahison du chef métis en 1885 relevait de l’assassinat politique.

L’ancien juge en chef de la Cour d’appel du Manitoba Alfred Monnin (1920-2013) n’hésitait pas à dire que le procès de Louis Riel représentait un moment sombre dans l’histoire judiciaire du Canada. Le scandale qui s’est joué au tribunal à Regina a engendré un scandale encore plus honteux, puisqu’il a légitimé la falsification de l’histoire. En effet les thuriféraires du Dominion du Canada, convaincus que les peuples autochtones étaient de toute façon voués à la disparition, se sont fait un devoir de dépeindre Louis Riel sous les traits d’un traître, doublé d’un illuminé. Pendant trop longtemps, des générations d’écoliers ont dû entendre ces mensonges.

L’instauration de la Journée Louis Riel Day  a bien sûr contribué à faire réfléchir les Manitobains d’un certain âge prisonniers d’une fausse idée de l’homme qui a joué un rôle central dans la naissance du Manitoba. Pourtant, même si la valeur symbolique accordée au troisième lundi de février est énorme, surtout si l’on chausse les souliers des vieux Métis, la réhabilitation de Louis Riel n’est pas complète.

Paulette Duguay, la présidente de l’Union nationale métisse Saint- Joseph du Manitoba, le soulignait dans une lettre à La Liberté  publiée dans l’édition du 18 au 24 novembre 2015. Avant d’en citer un court extrait, il importe d’avoir à l’esprit que l’Union nationale métisse est de très loin la plus ancienne organisation métisse au Canada. Elle a été fondée dès 1887, pour rallier les Métis après la pendaison de leur chef. Depuis toujours, les membres de cette organisation entretiennent la volonté d’obtenir un jour la totale réhabilitation de celui qu’ils considèrent comme «l’un des Pères de la Confédération, un homme lésé, un défenseur de son peuple et un protecteur des droits des minorités au Canada». (En 1992, le Parlement canadien a reconnu à l’unanimité Louis Riel comme le fondateur du Manitoba.)

Paulette Duguay a inscrit son plaidoyer en faveur de Louis Riel dans la perspective du 150e anniversaire de la Confédération après avoir rappelé qu’en 2013 les juges de la Cour suprême du Canada ont tenté, à leur manière, de rectifier le verdict de 1885 en déclarant que « le gouvernement fédéral n’avait pas donné une suite honorable aux promesses de terres faites aux Métis dans la Loi qui a créé le Manitoba ».

La présidente, qui a succédé au regretté Gabriel Dufault, a tenu à laisser savoir aux lectrices et lecteurs de La Liberté  : « C’est l’heure de reconnaître les contributions faites par les Métis et celles que nous continuons d’apporter à notre pays et dans les communautés à travers le Canada. […] Nous gardons toujours espoir que dans cette nouvelle ère canadienne nous puissions ensemble créer un savoir-être canadien  à la hauteur des principes visionnaires et modernes promus par Louis Riel : le bilinguisme, le multiculturalisme, l’ouverture et le respect de la différence, l’entraide et le sens aigu de la justice sociale. »

Face à cette requête légitime, les députés libéraux fédéraux Daniel Vandal et Robert-Falcon Ouellette figurent sans doute parmi les alliés les plus précieux de l’Union nationale métisse Saint-Joseph du Manitoba. Souhaitons qu’ils obtiennent l’oreille de Justin Trudeau et de nombreux élus fédéraux pour enfin reconnaître Louis Riel comme un des Pères de la Confédération. Au nom de quoi? Tout simplement de la vérité historique, encore si souvent ignorée et pourtant indiscutable : si en 1869-1870 les Métis n’étaient pas restés fidèles à la Couronne britannique, tout l’Ouest maintenant canadien tombait sans coup férir entre les mains des Américains .

Si le Premier ministre du Canada décide de trouver les justes mots afin de laver une fois pour toutes la mémoire entachée de Louis Riel et l’honneur sali de toutes les personnes rabaissées par association depuis des générations, qu’il nous soit permis de suggérer une date et un lieu : au Fort Gibraltar lors du Festival du Voyageur, le lundi 20 février 2017, à l’occasion de la 10e Journée Louis Riel Day .