Par Daniel BAHUAUD

Fermeture de quatre cliniques express à Winnipeg, création d’un nouvel organisme pour centraliser les soins de santé, restructurations importantes au sein des Offices régionaux de la santé. Le gouvernement Pallister, préoccupé par les coûts des soins de santé, impose une brochette de changements importants. Quel est leur impact sur les services en français?

 

Pour Greg Selinger, député néo-démocrate de Saint-Boniface et ancien Premier ministre, la restructuration des soins de santé, entamée depuis janvier, est « inquiétante ».

« Pour tous les Manitobains, bien sûr, à cause des compressions budgétaires qui menacent la qualité des services de santé, mais notamment pour les francophones souhaitant obtenir leurs services en français. Le gouvernement a donné aux Offices régionaux de la santé le mandat d’éliminer 15 % de leur effectifs et de le faire dans les plus brefs délais. Et c’est ça qui est préoccupant. Quand chaque ORS est dans l’effort de réduire rapidement ses dépenses, il peut y avoir un manque de coordination à l’interne. Et un manque de consultations avec le public. La possibilité d’une discussion rationnelle sur les services en français est réduite. »

Réal Cloutier, qui a pris la présidence intérimaire de l’ORS de Winnipeg après le départ de Milton Sussman, le 28 juin dernier, dit comprendre cette inquiétude, bien qu’il « ne la partage pas ». « Le gouvernement nous a donné la directive d’agir rapidement, c’est vrai. Notre ORS a le mandat d’éliminer 83 millions $ de notre budget. Et cette année. À cela il faut ajouter des efforts de restructuration visant à assurer une livraison plus efficace des services de santé. Notre but ultime est de protéger la qualité des services. Ce qui inclut les services en français.

« Malgré mes nouvelles fonctions, j’en ai fait ma responsabilité personnelle, en choisissant de continuer de gérer le dossier des services en français. Je veux m’assurer qu’ils seront maintenus malgré tous les changements qui s’opèrent présentement. Y compris la fermeture, d’ici la fin janvier 2018, des cliniques express à Southdale et à Saint-Vital. »

Des fermetures qui ne plaisent pas à Patrick Fortier. On se rappellera qu’après l’annonce, le 6 janvier dernier, de la fermeture de la clinique express du chemin St. Mary’s, ce citoyen avait lancé une pétition pour sauver la clinique.

« La clinique a fermé ses portes le 27 janvier, mais j’ai tout de même pu rencontrer Kelvin Goertzen, le ministre de la Santé, le 27 février. Je m’inquiétais d’une possible réduction des services en français. M. Goertzen m’avait rassuré en soulignant que les bilingues pouvaient désormais se rendre aux cliniques de Southdale et de Saint-Vital. Mais voilà qu’elles fermeront, elles aussi, leurs portes.

« En février je lui avais suggéré, comme solution de rechange, qu’on offre plus de soins en français au centre Accès Saint-Boniface. C’est ce qui va se produire. Mais je ne voulais pas qu’on élimine des services en français dans le sud de la ville. Bientôt, les gens de Saint-Vital Sud devront se rendre jusque sur l’avenue Goulet pour trouver un établissement bilingue. »

Annie Bédard, la directrice générale de Santé en français, souligne que si « la fermeture de cliniques express n’est pas une situation idéale, la concentration des services en français au centre Accès Saint-Boniface pourra bonifier cet établissement ».

« Le centre Accès Saint-Boniface a une culture francophone très forte. Les employés et les services bilingues sont nombreux. En ce moment, on n’a pas tous les détails, mais on sait déjà que l’ORS veut non seulement rediriger le personnel des cliniques express bilingues fermées, mais aussi prolonger les heures d’ouverture du centre, pour que le public puisse se prévaloir des services en soirée. Dans un climat de coupures, c’est une bonne nouvelle. La concentration de services pourrait assurer le maintien des services. »

Patrick Fortier fait remarquer cependant que « le maintien des services devrait être un strict minimum ». « Le fait demeure qu’il y a beaucoup plus de demande que d’offre de services en français. La liste d’attente pour devenir patient au Centre de santé de Saint-boniface est, par exemple, déjà bien longue. »

Annie Bédard surveille de près l’établissement de la nouvelle Régie des services de santé partagés du Manitoba, dont la création a été annoncée le 28 juin.

« La Régie assumera certaines fonctions des ORS, notamment les services d’urgence, les services ambulanciers et les services d’imagerie diagnostique. J’ai écrit une lettre au ministre Goertzen. J’attends une réponse. Parce qu’à présent, on n’a reçu aucun détail. La Régie sera-t-elle désignée bilingue? À mon avis, elle devrait l’être. Et dans ma lettre, j’ai précisé que Santé en français présumait qu’elle le sera, puisqu’elle offrira des services auprès du public. »

Autre facteur inconnu : la structure organisationnelle de la Régie des services de santé partagés du Manitoba. Annie Bédard : « La Régie sera-t-elle gérée par un conseil d’administration? On l’ignore. Chose certaine, s’il y a un CA, il faudrait assurer la présence de membres francophones. Et il faudra un haut gestionnaire dans ce nouvel organisme pour assurer la planification et la mise en œuvre des services en français. »

Le docteur Brock Wright, le directeur médical de l’ORS de Winnipeg, sera directeur de la nouvelle Régie. Par voie de courriel, il a indiqué à La Liberté que « la qualité et la disponibilité continue des services en français est une des priorités de la Régie des services partagés du Manitoba ». « Les discussions sur l’organisation et les meilleures pratiques de la Régie ont déjà été entamées. Nos réflexions seront alimentées par les contributions du nouveau président du Conseil de leadership clinique du Manitoba, le docteur Denis Fortier. Son expérience dans le domaine des services en français nous permettra de nous assurer que ces services seront prioritaires partout dans la province. »

Annie Bédard accueille ces remarques avec une confiance mitigée : « Que Denis Fortier, le vice-président des services médicaux pour l’ORS du Sud, soit là, pour nous, c’est un gain. C’est un leader engagé, qui a siégé au CA de Santé en français. Il reste qu’il nous manque beaucoup de détails. D’où l’importance de demeurer vigilant. »