Le 16 septembre, le Nouveau parti démocratique (NPD) a élu son nouveau chef, Wab Kinew. C’est le premier chef autochtone d’un parti provincial majeur depuis l’époque de Louis Riel. Entre son passé judiciaire et des propos douteux tenus aussi récemment que 2012, le débat fait rage. Réactions à l’élection d’un chef controversé.
Gavin BOUTROY et Daniel BAHUAUD
Wab Kinew a été élu chef du NPD le samedi 16 septembre, par une large marge de 74,3 %. Il se présentait contre Steve Ashton, vétéran du parti. Les questions sur le passé du nouveau chef du NPD éclipsent pour l’instant des questions de politiques.
Si Wab Kinew déclare avoir été franc sur son passé houleux, notamment dans son autobiographie The Reason You Walk, vers la mi-août, un courriel anonyme contenant des informations sur des accusations pour violences conjugales jusque là inconnues du public a été mis en circulation. Ces accusations ont été suspendues, et M. Kinew proclame son innocence.
La victime, Tara Hart, a déclaré dans une entrevue avec la Presse canadienne que Wab Kinew l’avait projetée d’un bout à l’autre d’une pièce, lui causant d’importantes éraflures aux genoux, ce que ce dernier nie catégoriquement.
Réactions de tous les bords.
Greg Selinger
Ancien premier ministre et député provincial de Saint-Boniface, Greg Selinger estime que l’élection, le 16 septembre dernier, représente « une étape positive dans l’évolution du NPD au Manitoba ».
« Wab Kinew est le premier Autochtone à devenir leader des néo-démocrates. Et c’est le premier Autochtone à être chef d’un parti politique au Manitoba de l’ère moderne. Pour en trouver d’autres, il faut remonter à John Norquay, le Métis qui a été premier ministre (ndlr : de 1878 à 1887), ou encore même Louis Riel.
« Alors dans ce sens, c’est très positif. Et les résultats de l’élection sont clairs. Wab a remporté 74,3 % du vote. Il est très clairement le chef du NPD.
« Est-ce que Wab Kinew aura les mêmes politiques que celles de mon gouvernement? Ça sera à lui de trancher, en établissant ses propres priorités, ses propres idées. Mais il n’y a aucun doute qu’il a les valeurs du parti. Wab a été recruté par mon équipe. C’est une personne qui s’intéresse à la réconciliation des Autochtones et de tous les Manitobains. Il est préoccupé par l’éducation chez les jeunes autochtones.
« Et il a les valeurs du NPD à cœur – la justice sociale, les droits humains, l’environnement, une économie où tout le monde peut participer. « C’est clair que le passé de Wab Kinew a généré beaucoup de controverse. Est-ce que c’est négatif? Je crois qu’il y a, et qu’il y aura beaucoup de discussion publique là-dessus. C’est normal. Je crois que c’est à tout le monde de considérer la question, et de peser le pour et le contre. »
Le parti Progressiste-Conservateur
Dans les minutes qui ont suivi l’élection de Wab Kinew à la chefferie du NPD, le parti progressiste-conservateur a mis en ligne un site web attaquant le passé de Wab Kinew. La page d’accueil du site web affiche des articles éditoriaux et d’actualité sur ce sujet. Des onglets sont dédiés à des fronts sur lesquels M. Kinew a été critiqué.
Le premier adresse les attitudes de M. Kinew envers les femmes. On y retrouve des captures d’écran de Facebook et Twitter, le plus récent étant de 2012, reprenant des propos misogynes, ainsi que des paroles misogynes de chansons du temps où l’homme politique s’était lancé dans le rap.
Le second onglet reproduit des propos homophobes tenus par le nouveau chef du NPD en 2011, dans des publications sur Facebook et Twitter.
Le troisième onglet est consacré à la position de M. Kinew par rapport aux taxes. En 2013, il avait exprimé son opposition à l’augmentation de la taxe provinciale sur les ventes mise en place par le NPD. S’ensuit la phrase, « Maintenant que c’est un politicien du NPD, il a changé d’avis, et préfère des taxes plus élevées ! ».
Le quatrième onglet adresse superficiellement le coût des promesses de la plateforme de Wab Kinew lors de sa campagne pour la chefferie du NPD.
Le cinquième onglet énumère les antécédents judiciaires de M. Kinew. Il a été reconnu coupable de voies de fait et de conduite en état d’ébriété en 2004, condamnations pour lesquelles il a récemment été pardonné. Le site évoque également l’affaire des accusations pour violences conjugales, suspendues 2003, l’affaire du prétendu vol d’un mandat de 500 $ en 2006, et un excès de vitesse datant de 2015.
Cindy Lamoureux
Députée provinciale du parti Libéral pour la circonscription de Burrows, et candidate à la chefferie du parti Libéral provincial. Au contraire du Parti progressif-conservateur qui a lancé un site web avec des attaques sur le passé de Wab Kinew, Cindy Lamoureux affiche une attitude moins ouvertement critique à l’égard du nouveau chef du NPD.
« Ce n’est pas à moi de juger Wab Kinew. C’est aux électeurs lors de la prochaine élection.
« Je ne crois pas que le NPD a changé. Le parti Libéral se focalise sur la classe moyenne, partout au Manitoba, pas uniquement certains groupes d’individus comme le NPD. »
La députée n’a pas voulu préciser quels individus étaient ciblés par le NPD.
« Pour l’instant, je suis très déterminée à gagner la chefferie de mon propre parti, j’essaie de rester focalisée là-dessus. »
Jacqueline Blay
La présidente de la Société de la francophonie manitobaine (SFM) est encouragée par l’élection d’un chef de l’opposition francophone.
« Pour la SFM ça veut dire l’élection d’un chef de l’opposition qui connaît déjà la francophonie, puisque M. Kinew parle français. Je l’ai souvent entendu en français à la radio à la télévision, ce n’est pas un inconnu pour nous. Mais nous n’avons jamais eu de contact avec lui, tant que la chefferie n’a pas été réglée.
« Je pense que les gens des minorités comprennent les défis des minorités. On avait de la chance quand M. Selinger était chef du parti, et ministre responsable des Affaires francophones. On le connaissait puisque il avait été conseiller municipal. C’était vraiment exceptionnel dans son cas. Je crois que la norme c’est justement d’avoir à transiger avec des chefs de parti qui ne sont pas toujours issus de la communauté.
« Avec l’élection de M. Kinew, on va simplement reprendre les bonnes habitudes, c’est-à-dire prendre le chemin du palais législatif, aller voir le chef de l’opposition et lui présenter la francophonie, mais je pense que ça reviendra au nouveau conseil d’administration de la SFM. »