La pratique de la régression sous hypnose fait encore débat. Cette branche de la thérapie où le patient est plongé dans un état second permettrait aux personnes de comprendre certains éléments troublants de leurs vies – qui dépassent parfois l’entendement humain. Pour Marie-Anne Bisson, c’est un moyen de sortir les gens de la peur.

par Valentin CUEFF

Vies passées, rencontres extraterrestres, contact avec les esprits… Les histoires racontées par Marie-Anne Bisson paraîssent insolites, littéralement incroyables, pour la plupart des gens. Elle en a bien conscience et l’affirme elle-même : « Je sais que ça semble fou ».

Depuis quatre ans, elle pratique avec ses clients l’hypnose. Plus particulièrement, un exercice appelé “régression vers des vies antérieures” (plus souvent vu en anglais, “past-life regression”). Une technique qui permettrait à ces personnes de replonger dans leur passé. D’une chose qui leur est arrivée quelques jours plus tôt, à un événement qui serait survenu il y a mille ans, dans une autre vie, ou sur une autre planète.
Le but d’un tel processus serait d’amener les gens à comprendre des éléments de leur vie qui flirtent parfois avec le surnaturel.

Marie-Anne Bisson raconte avoir grandi dans un environnement familial où les apparitions hors du commun étaient considérées normales, tant par elle que par ses parents et ses sœurs. « Ma mère disait toujours : “Je ne sais pas ce que font les filles pour toujours attirer les ghosts!” »

Elle affirme que la maison qu’ils habitaient lorsqu’elle était jeune était hantée. Mais les esprits et les fantômes ne sont pas les seuls êtres paranormaux qu’elle aurait rencontrés.

À 19 ans, alors qu’elle se baladait avec trois amis, dans une ville à l’Est de Winnipeg, elle les aurait vu. « Il y avait six lumières dans le ciel. C’était très cool. Puis elles ont commencé à bouger d’une façon étrange, les deux premières, plus deux autres, et les dernières ont suivi. »
Des quatre témoins de la scène, seule elle ose en parler. « J’ai essayé de les contacter depuis, sans succès. »

C’est avec ce C.V. bien rempli en expériences surnaturelles que Marie-Anne Bisson a découvert l’hypnothérapie, dans les années 1990. En tant que patiente, d’abord, elle tente l’exercice de la régression.
« Je me souviens avoir voyagé par trois planètes. À ce moment, je ne savais pas vraiment ce en quoi je croyais – ces régressions, ces vies antérieures, je ne savais pas quoi en penser. J’ai seulement compris plus tard comment cela rentrait dans ma vie. »

Parce que l’hypnothérapie l’a aidé à comprendre ce qui lui était arrivé, Marie-Anne Bisson a décidé de devenir elle-même pratiquante. Elle suit alors les cours de l’hypnotiseuse winnipégoise Marianne Gellis, et devient plus tard membre de l’association manitobaine des hypnothérapistes. Un domaine, et un statut, qui évoluent en dehors des circuits de diplômes classiques reconnus par le gouvernement provincial.

Dans la pratique, Marie-Anne Bisson raconte que sa première expérience marquante fut sa rencontre avec deux sœurs, qui furent ses premières clientes. Toutes deux étaient, comme elle, des experiencers ; c’est le nom que l’on donne aux personnes qui ont vécu une expérience extraterrestre.

La réaction de la seconde sœur dépassa toutes ses attentes. « Durant la régression, elle est revenue dans sa jeunesse. Elle prenait la voix d’une enfant pendant la session. À un moment, elle m’a dit : “Ils me regardent en ce moment. Ils se demandent à quel point je vais me rappeler de ces choses.” Puis elle a ajouté, en s’adressant à moi : “Et ensuite ils veulent savoir à quel point tu te souviens de ce qui t’est arrivé.” C’était assez effrayant. »

Pour Marie-Anne Bisson, ce moment est le déclic. « Cela m’a ouvert une nouvelle porte, ma vie a changé de direction en travaillant avec ces personnes. » C’était il y a quatre ans.
Depuis, elle a travaillé avec des personnes entre la vingtaine et la soixantaine, avec lesquelles elle passe jusqu’à trois heures par session. Avec cette règle d’or : ne pas interférer avec le « voyage » du patient et le laisser interpréter ce qu’il traverse. « Il faut être prudent sur les questions pour ne pas orienter les réponses, et ainsi influencer ce que les personnes vont dire. »

Lorsqu’elle place ses clients sous hypnose, elle fait en sorte qu’ils demeurent spectateurs de ces vies, pour qu’ils se distancient des événements qui leur sont arrivés.

Le but? Pour Marie-Anne Bisson, il s’agit de vaincre ses peurs : « La peur vient de nous », explique-t-elle. « Avoir peur de quelque chose ne signifie pas que cette chose est mal intentionnée. Ces gens veulent savoir ce qu’il leur est arrivé, ce qu’ils ont vu. Mon rôle est de clarifier les choses et d’aller vers l’acceptation. »

Une pratique questionnée

La pratique de la régression vers des vies antérieures, qui s’est développée dans les années 50, est encore controversée. En cause, d’abord, l’impossibilité de prouver l’existence du phénomène de la réincarnation.

Ghassan El-Baalbaki, professeur de psychologie à l’Université du Québec à Montréal, explique que ce type d’hypnose ne repose pas sur une méthodologie scientifique : « Ça dépend de la croyance des individus. De la même façon, je ne peux pas prouver non plus que Dieu existe ou n’existe pas. »

« Des études ont été menées là-dessus », explique le psychologue. « Mais des études ne constituent pas une vérité scientifique. La technique existe, mais l’utilisation de la technique dépendrait de ce que le thérapeute est habilité à faire. »

Il insiste sur le fait que l’hypnose est avant tout un outil de la thérapie, et n’a aucune valeur sans celle-ci. « L’hypnose n’est pas une thérapie en soi. C’est un outil qui doit être appliqué dans le cadre d’une thérapie. Ce qui sort, par exemple, de l’hypnose régressive, le pratiquant peut l’inclure dans son travail thérapeutique. »

Sur l’efficacité de la pratique elle-même, il dresse un parallèle avec les personnes qui se disent miraculées. « Le phénomène existe. Les scientifiques vont dire parfois, “Oui, en effet, on ne sait pas ce qui c’est passé”. Mais on ne peut pas conclure que c’est une intervention divine. On peut seulement constater que quelque chose a changé mais on ne sait pas à ce jour l’expliquer. La régression se situe pour moi dans le même registre. »

Plus généralement, qu’est-ce que l’hypnose? « C’est un état de relaxation dans lequel la partie analytique de l’esprit est mise en veille pour aller dans ce qu’on appelle la translogique, et cette capacité d’accès à l’imagination sans beaucoup de censure. »

Ghassan El-Baalbaki explique que ce qui importe, c’est ce que le pratiquant fait des réflexions du client sous hypnose. « Tout dépend de comment c’est présenté. Est-ce qu’on dit au patient que c’est la réalité, ou que c’est une production de son imagination, qui peut nous amener à comprendre des choses? »

« L’hypnose détourne l’attention. Par exemple, parfois vous découvrez une coupure sur votre doigt, vous ne avez pas où et quand vous vous êtes coupés. Vous aviez tellement votre attention portée sur autre chose que le message n’est pas passé, que votre attention n’est pas amenée sur cette blessure là. »

C’est la raison pour laquelle l’hypnose a été utilisé, par exemple, dans la gestion de douleur. Le professeur de psychologie ajoute qu’au delà de la pratique de la régression, le phénomène d’hypnose est lui-même encore mal compris.

« Les études neurologiques ne sont pas encore tout à fait claires sur comment cela fonctionne. On sait que ça fonctionne, mais comment… c’est un terrain à défricher. »


À lire également : Une journaliste de La Liberté a testé la régression sous hypnose et partage son expérience.