MOT DU PRÉSIDENT, Me Marc E. Marion

Chers lecteurs et lectrices,

Lors de l’assemblée générale (AGA) de la SFM qui aura lieu le 11 octobre 2018, les membres de la SFM seront appelés à étudier, entre autres, deux propositions qui traitent de Presse-Ouest Ltée (POL), la société éditrice qui publie La Liberté.

L’une d’elles – la « Proposition 1 » – constitue une véritable atteinte à la crédibilité et à l’intégrité du CA de POL. Elle me contraint, au nom du CA de POL, à utiliser l’espace si précieux dans notre journal pour répondre aux accusations écrites dans le préambule. C’est une proposition qui se base sur une série de prémisses inexactes, trompeuses, voire catégoriquement fausses.

Le CA de POL, qui comprend trois comptables professionnels agréés, dont un PDG d’une entreprise à capital de risque, un autre PDG d’une entreprise en technologie, une directrice des finances et des ressources humaines, une ancienne représentante du Commissariat aux langues officielles et le soussigné, un avocat fiscaliste en pratique privée, ne peut qu’éprouver de l’indignation face aux erreurs et aux insinuations énoncées dans cette proposition.

Le CA de POL n’a jamais agi ou pris des décisions de façon à méprendre la SFM ou à saper le travail du comité d’étude qui a été mandaté par les membres de la SFM pour étudier spécifiquement la structure de gouvernance et de propriété des actions de POL. Il a toujours agi avec intégrité et de bonne foi, au mieux des intérêts de l’entreprise, et ce en toute légitimité et surtout en pleine conscience de son rôle, de ses responsabilités et de ses limites, pour assurer la viabilité financière de POL et lui permettre de vous livrer un journal de qualité chaque semaine.

À l’ère de la « post-vérité » où la recherche des faits cède à l’appel aux émotions, il importe de rectifier ces faussetés et de faire la lumière sur les faits en donnant un peu de contexte historique et en reprenant les prémisses du préambule de cette proposition afin de les commenter. Rappelons qu’un préambule dans une proposition se doit de fournir de l’information fiable pour établir son bien-fondé.

Au cours des années 2008 à 2012, POL, comme toute l’industrie de la presse écrite, commence à affronter plusieurs défis financiers qui perdurent toujours, à cause d’une baisse considérable des revenus publicitaires, d’une augmentation de plus de 60 % des frais de poste, et d’une coupure d’environ 50% dans l’aide financière octroyée par le ministère du Patrimoine canadien à La Liberté. C’est le son d’alarme que le modèle traditionnel d’affaires de l’industrie de la presse écrite qui dépend fortement de l’aide gouvernementale et des revenus publicitaires ne fonctionnera plus à moins que de nouveaux modèles soient explorés et mis en place. Au lieu de mettre à pied des employés et d’effectuer des coupures budgétaires, POL prend l’initiative, en 2012, de fonder une agence de publicité « La Liberté Réd » pour lui permettre de générer des revenus supplémentaires visant à combler le manque à gagner pour pouvoir continuer de produire le journal. POL publie dès lors des dépliants, des brochures et des cahiers spéciaux qui sont insérés dans La Liberté pour des organismes communautaires et des entreprises privées. Peu après, POL prend aussi l’initiative de lancer « Réd Web » pour offrir des services de montage et d’alimentation en français de sites Web d’organismes communautaires et d’entreprises privées.

En 2016, ces deux initiatives, exploitées par POL sous le nom « La Liberté Communication », continuent de générer des revenus supplémentaires pour combler le manque à gagner et permettre à POL de livrer un journal de qualité chaque semaine. Cette agence de communication prend alors plus d’ampleur et devient effectivement une entreprise distincte de La Liberté au point où le CA de POL se questionne de plus en plus sur la nature de certaines des activités de cette entreprise et se demandent alors si elles ne seraient pas ultra vires, c’est-à-dire en dehors des pouvoirs de POL. De fait, les lettres patentes, en date du 30 janvier 1970, émises sous l’ancienne loi, La Loi sur les compagnies, stipulent que l’entreprise de POL est limitée à « exercer des activités commerciales à titre de propriétaire de journal et d’éditeur général et effectuer à cette fin des opérations commerciales en rapport avec des journaux ou d’autres publications… et exercer des activités commerciales à titre d’imprimeur, de lithographe, de graveur et d’agent de publicité. »

Le CA de POL avait averti la SFM de cette limite restrictive à son entreprise dès 2015 et de son souhait d’élargir le champ d’activités qui lui seraient permises afin d’éliminer toute contrainte arbitraire et d’assurer la survie du journal car seule la SFM a, en droit, le pouvoir de modifier cette limite. Nous avons aussi abordé la question de cette limite restrictive lors de l’unique rencontre du comité de travail qui avait été établi conjointement par la SFM et POL. (1)

En début d’année, d’autres occasions d’affaires se sont présentées à POL qui lui permettraient de générer des revenus supplémentaires pour non seulement compenser le manque à gagner, mais aussi augmenter davantage la visibilité et la qualité du journal.

C’est dans ce contexte que le CA de POL a dû trancher début 2018 entre abandonner la poursuite d’activités commerciales qui commençaient à être en dehors de ses pouvoirs ou bien de les « restructurer » de manière à ce que POL puisse toujours bénéficier des revenus générés tout en respectant les restrictions imposées dans ses lettres patentes, et par conséquent rester dans la limite de son cadre légal. Ces activités, sans rapport avec le journalisme et qui sont donc en dehors du cadre légal de l’entreprise de POL, comprennent aujourd’hui non seulement l’alimentation de sites Web et la gestion des réseaux sociaux, mais aussi le pré-développement d’un dessin animé de Nelson, la production de vidéos commerciales, l’audit en communication et le développement de plans de communication.

Vous comprendrez que les décisions subséquentes ont été prises avec le souci de ne faire courir aucun risque juridique à POL et à La Liberté, expertise des membres de ce CA oblige.

Au mois de mars dernier, le CA a donc finalement décidé, au mieux des intérêts de POL, de veiller à la formation d’une nouvelle société, POP Communications Inc. (POP Comm), pour exercer certaines activités commerciales et continuer à partager certains coûts encourus par POL, et ce à partir du 1er avril 2018 afin d’éviter, pour des raisons de comptabilité, une transition au milieu de l’exercice financier. Afin que tout profit généré par POP Comm bénéficie uniquement à POL et à ses employés, une fiducie d’employés a été formée afin de détenir la totalité des actions de POP Comm.

Cette fiducie est temporaire jusqu’à ce que la question de la propriété des actions de POL soit résolue par la SFM. Si nécessaire, elle donne la flexibilité de distribuer à POL, sans incidence fiscale, les actions de POP Comm afin que cette dernière puisse procéder à sa liquidation, après avoir cessé ses activités et remis son actif net (s’il en existe un) à POL.

Entre-temps, POL continue toujours de publier La Liberté et les cahiers spéciaux qui constituent les activités principales de son entreprise.

Et maintenant, examinons point par point le préambule problématique de la Proposition 1 à l’ordre du jour de l’AGA de la SFM le 11 octobre prochain :

Attendu que POL a devancé [les recommandations du comité d’étude de la SFM] et présenté des décisions entérinées, sans avoir, formellement, au préalable, informé et obtenu l’accord du comité SFM ou du CA de la SFM…

À la lumière de ce qui précède, il s’avère que le CA de POL n’a aucunement devancé les recomman dations du comité d’étude de la SFM car ces recommandations ne concernent d’aucune façon l’organisation de l’entreprise et des activités commerciales de POL. Ces recommandations concernent la structure de gouvernance et de propriété des actions de POL.

Le CA de POL détient en droit tous les pouvoirs pour gérer l’entreprise et les affaires internes de POL. Tout comme il a pris l’initiative de fonder « La Liberté Communication » et ses prédécesseurs, « La Liberté Réd » et « Réd Web », sans demander l’accord de la SFM, il a opté de céder certaines de ces activités à POP Comm, plus particulièrement celles qui n’ont aucun rapport avec le journalisme, afin de mieux se conformer à ses lettres patentes.

Attendu que le processus entériné par POL ne s’accompagne pas d’une démarche de consultation communautaire…

Comme la « restructuration » entamée par le CA de POL concerne son entreprise et ses activités commerciales, plus particulièrement celles qui n’ont aucun rapport avec le journalisme, une « démarche de consultation communautaire » liée à une telle restructuration n’a aucun sens.

Attendu que la décision de POL de devenir une « fiducie » ne correspond pas aux recommandations du comité SFM…

POL n’est en aucune façon devenue une fiducie. En fait, cette phrase par elle-même est dénuée de sens car une corporation ne peut pas « devenir une fiducie » pas plus qu’une corporation ne peut devenir un individu. (2) POL demeure toujours une corporation avec capitalactions, et donc une société imposable à but lucratif, dont toutes les actions appartiennent à la SFM, une corporation sans capital-actions enregistrée à titre d’organisme de bienfaisance. D’ailleurs, le schéma (voir page 13) que j’ai fourni à la SFM le 4 avril 2018 et qui a été repris par les signataires de la Proposition 1 illustre bien cette réalité qui existe toujours.

Attendu que seule une personne salariée de POL est identifiée comme étant bénéficiaire de cette fiducie…

C’est absolument faux, car les bénéficiaires de la fiducie qui détient les actions de POP Comm comprennent tous les employés de POL ainsi que POL en tant que personne morale. D’ailleurs, le schéma qui accompagne la Proposition 1 exprime aussi cette réalité.

…et que les autres investisseurs ne sont pas nommés dans cette communication à l’intention du CA de la SFM et datée du 1er avril 2018…

Le CA de POL n’est au courant ni de ces « autres investisseurs » ni d’une « communication à l’intention du CA de la SFM et datée du 1er avril 2018… » Ce premier a envoyé une lettre à la SFM en date du 4 avril 2018 afin de l’informer de la mise en place de POP Comm à partir du premier jour du nouvel exercice financier de POL.

Il l’a fait par courtoisie, car il aurait pu simplement l’annoncer dans son rapport d’activités à la prochaine AGA de la SFM. Même si cette restructuration n’a pas d’impact sur le travail et le rapport du Comité d’étude, le CA de POL l’en a aussi informé par courriel en date du 15mars 2018 et s’est mis à sa disposition pour répondre à toute question.

Attendu que le principe d’indépendance journalistique n’a pas été élaboré dans les documents présentés par POL à la SFM;

Encore une fois, la « restructuration » effectuée par le CA de POL concerne son entreprise et ses activités commerciales, plus particulièrement certaines activités commerciales sans rapport avec le journalisme. L’élaboration du « principe d’indépendance journalistique » et la définition pour une telle restructuration n’ont aucune raison d’être. D’ailleurs, POL adhère toujours aux principes de la Charte de la presse écrite adoptée par l’Association de la presse francophone.

Attendu que la relation entre l’hebdomadaire La Liberté et les organismes de la communauté n’est pas définie dans le cadre de cette restructuration…

De même, une définition de la relation entre La Liberté et les organismes communautaires n’a aucun sens dans le cadre d’une telle restructuration.

Attendu que le schéma ci-dessous illustre un modèle de restructuration qui ne correspond pas à ce que le comité SFM recommande…

La « restructuration » entamée par le CA de POL concerne son entreprise et ses activités commerciales, qui relève de la compétence du CA de POL, et non pas sa structure de gouvernance et de propriété des actions, qui relève de la compétence de la SFM et du comité d’étude. En effet, le mot « restructuration », qui est souvent utilisé dans la planification fiscale et successorale par des avocats et des comptables experts dans ce domaine, peut avoir une signification différente dépendamment de la réalité à laquelle elle s’applique. Il n’y a rien d’incompatible entre ce que le comité d’étude recommande à la SFM concernant une « restructuration » de la propriété des actions de POL et ce que le CA de POL a décidé afin de « restructurer » certaines de ses activités commerciales en dehors du journalisme. Ce sont deux réalités bien différentes qu’il nous aurait fait plaisir d’expliquer aux signataires de la Proposition 1, s’ils nous l’avaient demandé, tout comme le soussigné l’a fait volontiers auprès du CA de la SFM le 19 juin 2018.

Le travail et le rapport du comité d’étude restent toujours pertinents, et une recommandation du CA de la SFM concernant une « restructuration » de la gouvernance et de la propriété des actions de POL est toujours nécessaire. La question centrale demeure : quelle est la structure qui donnerait les meilleures chances de succès à POL pour survivre dans un univers où beaucoup de journaux sont toujours à risque, y compris La Liberté?

MeMarc E. Marion

Président de Presse-Ouest Ltée

(1) Voir le Mot du président en page 4 dans La Liberté du 1er au 7 novembre 2017 qui fait mention du comité conjoint.

(2) Contrairement à une corporation, une fiducie n’a aucune personnalité morale. Elle désigne simplement la relation qui existe entre des personnes appelées « fiduciaires » et d’autres appelées « bénéficiaires ».