La population canadienne vieillit vite. Les personnes âgées constituent une part croissante de la société et la tendance devrait se maintenir pour les 50 prochaines années, posant d’importants défis en matière de santé et d’économie.

 

Par Lucas PILLERI (Francopresse)

 

Ce 17 septembre, soit deux semaines avant la Journée nationale des ainés du 1er octobre, Statistique Canada dévoilait ses Projections démographiques. Publiés tous les cinq ans, ces résultats se fondent sur les données les plus récentes du recensement.

Les compteurs s’emballent. En 2016, le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus a dépassé le nombre d’enfants de 14 ans et moins pour la première fois de l’histoire du pays, rappelle l’étude. Leur proportion devrait augmenter encore pour atteindre jusqu’à 30 % de la population en 2068, dans un scénario de vieillissement rapide. Les 80 ans et plus pourraient quant à eux passer de 1,6 million actuellement à 5 ou 6 millions en 2068. Enfin, le nombre de centenaires atteindrait un sommet inédit à l’horizon 2065.

 

Des services qui ne suivent pas

Cette situation démographique engendre nécessairement une forte augmentation de la demande pour les services de santé et les foyers de soin. En 2016 déjà, quelque 250 000 personnes âgées de 85 ans et plus vivaient dans des établissements de soins infirmiers, des structures de soins de longue durée et des résidences pour personnes âgées.

Un rapport de la Fédération des ainées et ainés francophones du Canada (FAAFC) sorti en mars dernier pointait du doigt des services de santé inadaptés, s’ajoutant à la vulnérabilité médicale, économique et sociale de ces populations. Le personnel bilingue ou francophone fait ici particulièrement défaut, souligne Jean-Luc Racine, directeur général.

« Ça fait des années qu’on dit qu’il va y avoir une pénurie de professionnels de la santé », réitère Suzanne Dupuis-Blanchard, directrice du Centre d’études du vieillissement de l’Université de Moncton. La professeure plaide ainsi pour plus de fonds afin de promouvoir la prévention auprès des ainés. « On se préoccupe d’eux une fois rendus à l’urgence. Il faut revoir notre façon de faire. On voit que de petits changements peuvent avoir de grands impacts, mais les financements ne suivent pas », déplore-t-elle.

 

De l’emploi, mais plus d’employés

Pour Pierre-Marcel Desjardins, professeur d’économie, le vieillissement en soi n’est pas le problème. « Le défi est plutôt lié au fait que le pourcentage de la population âgée augmente », précise-t-il. Au Nouveau-Brunswick, par exemple, le nombre des 0-19 ans a diminué de moitié au cours des 40 dernières années.

La fécondité y est aussi pour quelque chose. « Il y a quelques générations, des familles de 8-10 personnes, c’était la norme, rappelle l’économiste de Moncton. Aujourd’hui, avec trois enfants on a une famille nombreuse. » Effectivement, les Canadiennes ont en moyenne seulement 1,6 enfant depuis quatre décennies, contre 4 dans la première moitié du 20e siècle.

Certes, la tendance n’est pas propre au Canada. « Cette situation reflète la dynamique des pays occidentaux », analyse le Néobrunswickois. La génération des bébé-boumeurs, nés entre 1946 et 1964, est en effet commune à l’Europe de l’Ouest et à l’Amérique du Nord.

Aussi ces sociétés font-elles face à un défi économique de taille : les retraités sont plus nombreux que la population active. « On a de plus en plus besoin d’employés et non d’emplois », conclut l’analyste. La pénurie de main-d’œuvre frappe de nombreux domaines spécialisés. Certaines provinces sont particulièrement affectées, à l’instar des Maritimes où le vieillissement est plus prononcé. « Les besoins financiers de ces gouvernements sont plus forts, mais comme les financements sont alloués per capita, il existe des disparités importantes entre les provinces », dénonce ici le professeur.

 

L’immigration, la solution?

« Une immigration soutenue combinée à une faible fécondité persistante amène la population canadienne à se diversifier rapidement », note Statistique Canada. D’après les derniers chiffres, plus de 20 % de la population canadienne est née à l’étranger, soit la proportion la plus forte des pays du G8. Le taux annuel d’immigration moyen s’élève à 7,5 pour mille depuis l’an 2000 et le nombre de résidents permanents augmente : 286 000 personnes en 2017, un chiffre appelé à augmenter à 340 000 d’ici 2020.

Finalement, avec l’immigration, la population nationale pourrait passer de 37,1 millions de personnes en 2018 à 70,2 millions en 2068 dans un scénario de croissance forte. « L’immigration joue un rôle essentiel », estime Pierre-Marcel Desjardins. Par ailleurs, le poids démographique des provinces de l’Est va baisser, tandis que celui des Prairies, et surtout de l’Alberta, augmentera.

Pour autant, d’autres solutions existent : une politique nataliste, mais qui ne donnerait ses effets qu’à long terme; repousser l’âge de la retraite, une mesure qui est loin de faire l’unanimité; ou encore, améliorer la productivité des entreprises, par exemple avec l’automatisation.

Pour Jean-Luc Racine, l’immigration présente « une belle opportunité ». D’ailleurs, la FAAFC travaille présentement sur un projet de rapprochement des ainés francophones et des nouveaux arrivants pour le printemps 2020. Une population dont le Canada attend beaucoup.