La sonnette d’alarme a été sonnée fin novembre 2021 en Afrique du Sud, avec la détection d’un nouveau variant, Omicron (B.1.1.529), classé « à risque très élevé » au niveau mondial par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (1). Alors que de nombreux pays décident de fermer leurs frontières pour ralentir sa progression, le Dr Philippe Lagacé-Wiens, spécialiste des maladies infectieuses, répond à quelques questions sur ce variant possiblement très contagieux.

Par: Laëtitia KERMARREC

Ce nouveau variant inquiète les autorités sanitaires…

Omicron représente un risque important, car il possède des mutations semblables à certains variants précédents, comme le Delta, qui provoquaient des infections plus aiguës. Ces mutations permettent notamment au virus d’échapper à la réaction immunitaire naturelle, ou induite par le vaccin.

Auxquelles s’ajoutent pour Omicron des mutations sur des régions visées par les traitements par anticorps neutralisants (2). Maintenant, il reste à savoir si la capacité du variant à fuir l’immunité, et autres traitements existants, est considérable ou non. Des compagnies, telles que Moderna, proposent de mener des études pour répondre à ces questions. Si oui, alors Omicron sera effectivement très inquiétant.

Certains spécialistes évoquent pourtant des symptômes certes inhabituels, mais plus légers avec ce nouveau variant… (3)

Attention, nous n’avons pour le moment que peu d’informations sur le variant Omicron. Il faut donc se méfier des interprétations, car les premières données viennent de l’Afrique du Sud, où la population générale est assez jeune et par conséquent plus résistante aux infections.

Si toutefois dans le futur les données révèlent que le variant Omicron est seulement plus contagieux sans être plus agressif que les autres variants, ce serait le scénario idéal. Car peut-être le signe d’une évolution du virus vers une forme de moins en moins agressive. Mais on ne sait pas encore.

Et si le variant Omicron est capable d’échapper à l’immunité, alors il faudra développer un nouveau vaccin…

On est capable de développer des vaccins à ARN messager très rapidement maintenant, c’est presque un miracle de la science! La recette du vaccin étant déjà approuvée dans la majorité des pays, il suffira d’une simple modification de la séquence ARN pour en élaborer un nouveau vaccin efficace. Et une petite étude de quatre à huit semaines menée sur une centaine de personnes pour l’approuver.

Évidemment, après cette étape, il faudra encore produire des milliards de doses et les distribuer à tout le monde. Ça, ça prend plus de temps. Ceci dit, il faut savoir que c’est très peu probable que les vaccins déjà existants n’aient aucune efficacité contre Omicron.

Une troisième dose de vaccin à ARN messager serait quand même utile?

Alors là, il y a vraiment deux arguments qui s’opposent. Le premier est en faveur de la troisième dose, car c’est la seule chose qu’on a en ce moment qui pourrait possiblement être un minimum efficace contre Omicron.

Le deuxième argument est plutôt en défaveur de cette troisième dose : c’est le faible taux d’immunisation contre la COVID-19 dans les pays en voie de développement.

En Afrique du Sud par exemple, il est compris entre 4 et 10 % seulement. C’est pour ça que le virus circule davantage dans la population et produit de nouveaux variants plus rapidement.

Alors, au lieu de donner une troisième dose de vaccin aux populations des pays développés, on devrait les distribuer à ces pays en manque de vaccins.

Et aussi donner à n’importe quelle compagnie qui possède la technologie pour produire des vaccins à ARN messager le droit de le faire, pour augmenter la disponibilité et la distribution du vaccin partout dans le monde. La COVID-19 est un problème mondial pour lequel il faut trouver une solution globale.

Les mesures sanitaires déployées précédemment restent cependant efficaces…

Certains pays ont levé des restrictions comme le port du masque dans des espaces intérieurs, ou l’isolement en arrivant de voyage. Dans ces conditions, il faudra peut-être penser à reprendre des précautions. Ça n’empêchera pas le variant Omicron d’arriver, mais ça ralentira sa progression et le taux de mortalité. Et en parallèle, la recherche pourra avancer.

En ce qui concerne vaccins à ARN, on n’en parle pas encore au Manitoba, mais le sujet est certainement abordé derrière des portes fermées. Au Sud du Manitoba par exemple, le taux de vaccination contre la COVID-19 est encore trop bas et le système de santé est déjà à sa limite. Alors, avec les épidémies de grippe et autres maladies hivernales qu’on attend en plus de la COVID-19, ça pourrait bien mettre en danger notre système de santé.

—————————————————————————————————————————

(1) Le variant Omicron du SARS-CoV-2 a été détecté jeudi 25 novembre en Afrique du Sud. Lundi 29 novembre, l’OMS catégorisait le variant comme étant « à risque très élevé » au niveau mondial. L’Afrique du Sud ayant dépassé les 10 000 contaminations quotidiennes en fin de semaine dernière.

(2) Voir dans notre édition du 13 au 19 octobre 2021.

(3) C’est notamment ce qu’a rapporté la Dr Angélique Coetzee, présidente de l’Association médicale d’Afrique du Sud, quelques jours après l’apparition du variant Omicron.

Attention à la stigmatisation des pays annonciateurs

Le Dr Philippe Lagacé-Wiens met en garde contre la discrimination des pays qui découvrent un nouveau variant inquiétant.
« On ne sait pas exactement où le variant Omicron est apparu pour la première fois. Ce que l’on sait, c’est qu’il a été annoncé en Afrique du Sud. Pour le moment, la majorité des cas sont déclarés dans la région du Nigeria, mais il est possible que ce soit seulement parce que la région possède une grande capacité de diagnostic des maladies infectieuses.
« Actuellement, le Canada a fermé ses frontières aux pays d’Afrique, sans pour autant l’avoir fait avec les autres pays (1). Il faut faire attention à ne pas stigmatiser les pays qui
tirent la sonnette d’alarme à l’apparition d’un nouveau variant, au risque de les dissuader de le faire alors que c’est essentiel à une bonne surveillance du virus. »
Le spécialiste des maladies infectieuses précise également que le variant Omicron n’est pas encore arrivé au Manitoba. « [En date du 1er décembre 2021] on dénombre une douzaine de cas d’infection au variant Omicron au Canada, répartis entre les provinces du Québec, de l’Ontario, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique. Des dépistages réguliers au Manitoba permettront de détecter son arrivée future dans la province. »

 


(1) Les frontières canadiennes sont actuellement fermées aux ressortissants de dix pays africains, à savoir l’Afrique du Sud, le Botswana, Eswatini, le Lesotho, le Zimbabwe, le Mozambique, la Namibie, l’Égypte, le Malawi et le Nigeria. Voir https:// voyage.gc.ca/voyage-covid