Diane Tshikudi s’est largement distinguée lors du Canadian Student Health Research Forum qui a eu lieu à Winnipeg. La doctorante au Département d’immunologie de l’Université du Manitoba est la récipiendaire de trois prix nationaux en sciences de la santé.

Ces distinctions vont lui permettre de représenter le Canada à la Conférence Lindau en Allemagne durant l’été 2023. Elle y présentera ses travaux sur les maladies inflammatoires de l’intestin (MII) à un panel composé d’une dizaine de lauréats du prix Nobel.

Par Jonathan SEMAH

Juin 2022 restera sûrement longtemps gravé dans la mémoire de Diane Tshikudi. Avant d’en arriver là, c’est d’abord l’Université du Manitoba, parmi leurs meilleurs étudiants de doctorat en sciences de la santé, qui a choisi, entre autres, Diane Tshikudi pour participer au Forum. À partir de là, les prix se sont enchaînés pour la doctorante : premier prix de la compétition nationale d’affiche des Instituts de recherche en santé du Canada, puis le prix Gairdner qui récompense chaque année les meilleurs chercheurs en biomédecine et en santé mondiale et enfin le prix Lindau.

« Au début, je me suis sentie dépassée par tout ça! J’étais très surprise, je ne m’y attendais pas. Bien sûr, je savais que j’avais passé les étapes, mais de là à recevoir ces prix, c’est autre chose. Tous les candidats qui sont là sont excellents, donc c’est vraiment surprenant. Petit à petit, je réalise ce qui m’arrive et j’essaie de répondre à toutes les sollicitations que j’ai eues depuis l’annonce. Je n’imaginais pas l’impact que ça aurait eu », explique Diane Tshikudi.

Ses travaux, qui lui ont valu ces récompenses, portent sur les maladies inflammatoires de l’intestin. Diane Tshikudi, qui a rejoint l’Université du Manitoba il y a deux ans, détaille ses recherches.

« Dans mon travail, je me concentre plus spécifiquement sur la colite ulcéreuse. Les gens qui en souffrent ont des ulcères sur les parois de l’intestin. Ça crée des diarrhées, des crampes, des hémorragies internes. Les patients sont aussi très à risque pour le cancer colorectal notamment. Et donc l’objectif de ma recherche, c’est l’analyse d’une molécule appelée la Chromogranine A. »

Cette molécule a, selon des études précédentes, des impacts sur les cellules immunitaires et serait impliquée dans les effets néfastes de la colite ulcéreuse. « Mon travail commence après ses études. Je cherche à comprendre l’effet de la Chromogranine sur les cellules qui recouvrent la paroi intestinale. L’idée est de savoir quel est l’effet, bon ou mauvais, sur ces cellules. »

| Bientôt des médicaments?

Diane Tshikudi et son équipe, ainsi que son superviseur de laboratoire Jean-Eric Ghia, suspectent donc la Chromogranine A d’être l’un des facteurs qui augmentent l’inflammation dans le colon.

« On l’étudie intensément, car on pourrait, à terme, l’utiliser plutôt comme une cible thérapeutique. On veut créer des médicaments qui vont cibler la Chromogranine et vont réduire les symptômes. Mes recherches en cours montrent qu’en enlevant la Chromogranine, les cellules de l’intestin ont une capacité de régénération plus rapide et se réparent plus facilement. Et si c’est plus rapide, cela veut dire qu’il y a moins de chances de contacts entre les bactéries et les cellules immunitaires, ce qui entraîne moins d’inflammations. »

Diane Tshikudi ne sait pas encore quand ses recherches aboutiront. En effet, elle est encore au début et les tests se font uniquement sur des souris pour l’instant. Néanmoins, à ce stade, les résultats sont « prometteurs » et elle espère un jour aider les quelque 300 000 Canadiens vivant avec une MII d’après une étude menée par l’organisme national Crohn et Colite Canada.

| Des causes environnementales

D’ailleurs, ces maladies, comme les traitements potentiels, demeurent assez mystérieuses et beaucoup de choses restent à découvrir. Diane Tshikudi dénombre plusieurs causes pour expliquer d’où viennent ces maladies.

« Il y a plusieurs facteurs. D’abord, il y a la génétique et l’hérédité. Mais de plus, nous voyons des cas liés à des causes environnementales.

« D’ailleurs, la recherche se tourne de plus en plus vers ces cas-là avec l’effet de la mondialisation. La fumée, le tabac, l’alimentation ou les hormones notamment sont des facteurs. Par exemple, les femmes ont moins la colite ulcéreuse, mais elles ont Crohn. »

De manière générale, les MII sont plus diagnostiquées dans les pays industrialisés comme en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord. L’incidence augmente avec le niveau de développement socio-économique des pays. D’où une croissance importante en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique du sud ou encore en Inde.

« Oui dans ces régions du monde, de plus en plus de cas sont diagnostiqués. Et je le rappelle, on parle ici de maladies incurables. Des patients vont être traités toute leur vie, d’où l’importance de trouver des médicaments pour guérir ou pour prévenir la maladie. »