En cette rentrée 2022, l’Université de Saint-Boniface (USB) a lancé quelques nouveautés. L’une d’entre elles se nomme le Réseau des Aînés. Débuté officiellement dans le cadre de la semaine de la vérité et de la réconciliation, le groupe d’Aînés viendra régulièrement à l’USB pour apporter leurs expériences et ouvrir le dialogue.

Par Jonathan SEMAH

Si cette initiative n’a été lancée que depuis quelques semaines, Debra Radi, secrétaire générale et responsable de ce dossier, explique que l’idée était dans les projets de l’USB depuis déjà plusieurs mois. « 11 % (1) de nos étudiants s’autodéclarent comme Autochtones et parmi eux 96 % s’identifient comme Métis.

« Au mois de mars 2022, on a partagé un sondage pour connaître leurs besoins en matière d’éducation autochtone et métisse. Ce qui est ressorti, c’est cette envie d’avoir des Aînés autour d’eux pour parler Histoire, expériences et même généalogie. »

Cette première approche confirmait ce que pensait déjà l’équipe dirigeante de l’USB. Dans le même temps Debra Radi avait lancé quasiment les mêmes demandes au corps professoral. Enseignants autochtones ou non, ils ont fait savoir à leur direction qu’un groupe d’Aînés serait aussi très important. « Ils nous ont dit que ça serait bien pour leurs cours, aider l’apprentissage et aller de l’avant sur ces sujets. »

Étudiants, professeurs et direction, tous étaient donc sur la même longueur d’onde. Il a fallu ensuite pour Debra Radi trouver les Aînés qui composeront ce réseau. Après plusieurs semaines de recherche, le Réseau des Aînés compte désormais cinq membres : Paulette Duguay, Paul Desrosiers, Dée-Anne Vermette, David Dandeneau et Dolorès Gosselin.

Paulette Duguay et Paul Desrosiers, deux des Aînés qui participent au projet lancé par l’USB. (photo : Marta Guerrero)

| Des Aînés impliqués…

C’est au début du mois de septembre que les Aînés ont fait une première rencontre informelle avec les élèves de l’USB. « On a fait un pique-nique à l’extérieur et les Aînés étaient là. Il y a eu un beau premier échange », ajoute Debra Radi.

L’expertise différente de chaque aîné apportera, selon Debra Radi, une vraie valeur ajoutée. La secrétaire générale explique aussi que les Aînés viendront en fonction des besoins des étudiants et des professeurs ainsi que de leur emploi du temps évidemment. Pour cela, l’USB a mis en place un formulaire dans lequel il est possible de faire des demandes aux Aînés. Selon le sujet, l’université va ensuite contacter l’aîné le mieux placé pour y répondre.

Paulette Duguay est l’une des aînés du réseau. Elle n’a pas hésité à rejoindre ce réseau et espère pouvoir apporter des réponses aux étudiants. « Les gens sont intrigués par la réconciliation et ne savent pas trop comment s’y prendre.

« C’est un beau pas vers la réconciliation, mais pour moi, c’est encore plus que ça. On va aborder beaucoup de sujets. Puis on veut apporter un vrai soutien aux étudiants. Nous sommes des Aînés, mais aussi des grands-parents. Nous voir sur le campus peut rassurer certains étudiants, qu’ils soient Canadiens en train de faire une transition entre secondaire et université ou internationaux qui vivent un choc culturel important pour certains. Cet aspect humain me plaît beaucoup. »

Paulette Duguay s’attend donc à un réel échange entre elle est les étudiants. Elle veut en apprendre autant sur eux, qu’eux d’elle. « Je veux les encourager et les écouter sans les juger. Puis pour ceux et celles qui s’identifient comme Métis, je serai là à 100 % pour renforcer leurs connaissances. Qu’ils soient Métis sans trop comprendre ce que ça signifie ou s’ils viennent d’apprendre qu’ils sont Métis, je veux les seconder dans leurs efforts. »

Même constat pour Paul Desrosiers, qui souhaite aussi partager ses connaissances. « C’est un bon projet. Je vais leur montrer les tactiques qui ont fonctionné et même celles qui ont moins fonctionné. Et là-dedans, ils prendront ce qu’ils veulent. Ils peuvent accepter ce que je vais leur dire, mais ils ne sont pas obligés non plus. Je vais me servir de mon expérience, je vais notamment parler de chasse et de pêche. Ça fait partie de ma culture. »

| … et des étudiants intéressés

Jani Comeault a 20 ans et vit sa deuxième année à l’USB. L’étudiante en sciences se sent très touchée par cette initiative, car elle s’identifie comme métisse. « C’est un très bon projet. Je sais qu’à l’Université du Manitoba, ils ont depuis longtemps accès à des Aînés, alors c’est une super idée de le faire en français à l’USB. Ça sera très utile pour se renseigner sur les pratiques et traditions autochtones. »

Jani Comeault, étudiante à l’USB. (photo : Gracieuseté)

Celle qui est devenue depuis peu la représente métisse de l’Association étudiante de l’Université de Saint-Boniface (AEUSB) raconte aussi sa première rencontre avec David Dandeneau. « Dans son temps, il a été le premier à avoir créé un comité d’étudiants métis à l’université. Il m’a donné des conseils sur ce sujet. J’espère le revoir bientôt pour en parler encore. Je me suis toujours impliquée auprès de la communauté et j’espère maintenant, avec l’aide des Aînés, faire une belle communauté métisse à l’USB. »

De son côté, Monique Sevald, 43 ans, étudie à l’USB dans le domaine de la jeune enfance. Elle a pu assister à quelques rencontres avec les Aînés. « Je suis métisse d’origine et ce projet m’a tout de suite intéressée. Ça ne fait pas longtemps que je cherche à en savoir plus sur mes ancêtres, j’espère donc en apprendre plus sur ma culture.

« Les Aînés apportent beaucoup de sagesse dans leur enseignement. J’ai eu affaire à Dolorès Gosselin, j’ai été touchée par ces histoires et ces rencontres. Ça a été très émotionnel. Je veux en apprendre plus et pouvoir enseigner à des plus jeunes pour aider à la réconciliation. »

Monique Sevald, étudiante à l’USB. (photo : Gracieuseté)

Ces rencontres sont donc prévues jusqu’à la fin de l’année scolaire 2023. Si l’expérience est positive et que beaucoup de personnes y participent, l’USB espère renouveler le projet les années à venir. « Jusqu’à présent, l’USB finance ce projet. Mais nous avons lancé un fonds de réconciliation pour la campagne annuelle. Nous avons une donatrice qui a donné 25 000 $ pour commencer à bâtir ce fonds.

« L’USB va aussi faire un genre de match pour un autre 25 000 $. Pour chaque $ donné, l’USB jumèlera le don pour deux $. On espère donc bâtir avec au moins 75 000 $ pour continuer le Réseau des Aînés, mais aussi d’autres initiatives. »

(1) L’USB compte environ 1 400 étudiants.