Mariés depuis quatre ans, Dmytro Ishchenko et Ekaterina Antipova s’apprêtent à passer les fêtes loin des leurs. Habitués à vivre à l’étranger, le couple n’a pas vraiment tremblé à l’idée de repartir à zéro, même si ce voyage-là leur laisse un goût amer.

Par Hugo BEAUCAMP

Dmytro Ishchenko, ou « Dima » pour les intimes, travaille comme instituteur en maternelle en Chine. Là-bas, cet Ukrainien rencontre Ekaterina Antipova. Comme lui, la jeune femme est institutrice, mais d’origine russe. Un détail qui, il y a encore un an, n’aurait aucune espèce d’importance.

Le couple se marie en Ukraine, achète même un appartement là-bas. « Nous avions prévu de nous y installer lorsque nos visas chinois arriveraient à terme », explique l’ancien instituteur. Seulement voilà, la guerre éclate alors que les deux expatriés sont encore en Chine.

« Nous ne pouvions rester en Chine que pour encore deux-trois mois, il fallait qu’on quitte le pays.

« Au départ je voulais rentrer en Ukraine pour me battre, mais ma femme m’en a empêché. Pas parce qu’elle ne voulait pas que je fasse la guerre contre sa patrie, mais parce qu’elle avait peur pour moi. » Finalement Dima et Ekaterina s’envolent pour la Thaïlande où ils prendront une décision concernant la suite des évènements, mais Dmytro Ishchenko a déjà une petite idée.

| Changement de décor

« Quand j’étais plus jeune, je voulais partir étudier au Canada, c’était un de mes rêves. » Et Ekaterina Antipova approuve. Mais les tourtereaux ne sont pas près de partir. Si le visa canadien de Dmytro ne met que quelques semaines à être délivré, celui d’Ekaterina, peut-être en raison du contexte à ce moment-là, mettra trois mois à arriver.

Après avoir pris leur mal en patience, mari et femme s’envolent finalement pour Winnipeg à la mi-septembre. Alors c’est sûr, passer de la Thaïlande au Manitoba est un changement assez radical, et c’est une litote. En revanche, Dmytro Ishchenko est ravi :

« Une chose est sûre, c’est que l’on se sent plus à la maison ici qu’en Chine, lance-t-il.

« La culture ici est plus proche de la nôtre, la nourriture est plus proche de la nôtre, et le climat aussi. » Il jette alors un coup d’œil par la fenêtre et ajoute amusé : « En tout cas, pour le moment, le froid ne me dérange pas. »

| Une transition naturelle

Rétrospectivement, celui qui était prêt à se battre pour son pays parle au nom d’Ekaterina et affirme que la transition avec cette nouvelle vie canadienne s’est faite de manière assez naturelle.

« Nous n’avons pas vraiment rencontré de difficultés particulières. Nous sommes tous les deux habitués à partir à l’étranger et même s’il n’est pas parfait, nous parlons l’anglais tous les deux. Et puis, heureusement, lorsque nous sommes arrivés, une chambre d’hôtel a été mise à notre disposition. J’admets que ça, c’est une chance car ça nous aurait coûté très cher autrement. »

Alors que la famille d’Ekaterina est toujours en Russie, les parents de Dima, eux, sont toujours en Ukraine dans la capitale administrative de l’oblast de Kirovohrad, dans le centre de l’Ukraine. Pour l’instant, ni sa mère Olena, ni son père Leonid n’ont l’intention de fuir le pays : « Ils ont peur de tout quitter, explique leur fils. Ils travaillent encore, ils ont leur maison. Mais mon père a pris cinq ans depuis le début de la guerre, il souffre de beaucoup de stress. »

| Loin des leurs

Pour célébrer Noël, ils avaient pour habitude de rentrer en Ukraine auprès de leurs proches. Cette année, ça n’arrivera pas. Olena et Leonid passeront les fêtes seuls, puisque Serhii, le frère de Dmytro était en Pologne lorsque la Russie a lancé l’assaut et a décidé d’y rester. « C’est inhabituel pour nous de fêter Noël loin d’eux. Ça me rend triste, c’est sûr, mais nous essayerons de faire un appel vidéo même si ce n’est pas tout à fait pareil. » D’ailleurs, pour le soir du réveillon, le couple mangera en tête à tête, au chaud, sous son nouveau toit.