D’entrée de jeu, les sénateurs et sénatrices ont voulu poser la table. En effet le rapport s’intitule : L’immigration francophone en milieu minoritaire : pour une démarche audacieuse, coordonnée et renforcée.
C’est donc un total de 12 recommandations qui ont été faites en majorité au ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté Canada notamment sur la mise en place d’une stratégie d’immigration pour les francophones hors Québec.
La sénatrice indépendante du Manitoba, Raymonde Gagné a pris part à la rédaction de ce rapport. Elle rappelle le contexte. « Le Comité sénatorial permanent des langues officielles a fait une étude préalable du projet loi C-13. Dans cette étude préalable, beaucoup d’acteurs ont fait part de l’importance de l’immigration francophone pour maintenir la francophonie.
Une stratégie audacieuse
« C-13 fait en sorte que des politiques en matière d’immigration soient adoptées pour favoriser l’épanouissement de la francophonie hors Québec. C’est tout ce contexte qui nous a conduits à ce rapport. »
Dans le dernier recensement de 2021, Statistique Canada montrait que le poids démographique des francophones hors Québec était encore en baisse. En effet, les francophones ne représentaient que 3,3 % en 2021 alors qu’en 2016, ils représentaient 3,6 %.
En même temps, le gouvernement fédéral indiquait à la fin 2022 avoir atteint sa cible d’immigration francophone hors Québec fixée à 4,4 %. Une cible mise en place en 2003.
Avec cette réalité bien en tête, Raymonde Gagné et ses collègues ont alors choisi des recommandations audacieuses comme la création d’un sous-ministre adjoint pour appuyer le ministre de l’IRCC dans une stratégie d’immigration francophone.
À l’heure actuelle, il existe un directeur général de l’immigration francophone, Alain Desruisseaux qui répond à la sous-ministre adjointe de l’Établissement et de l’intégration, Catherine Scott.
« Je pense qu’il devrait y avoir un sous-ministre adjoint qui aurait la responsabilité exclusive de l’immigration francophone. Avec les annonces du ministre, Sean Fraser, de faire venir près de 500 000 immigrants peu importe la langue, il est important d’avoir quelqu’un dédié au dossier de l’immigration francophone.
L’exemple du Manitoba
« En me basant sur l’expérience au Manitoba, il y a quelques années en arrière, entre 1997 et 2007, Gérald Clément était sous-ministre adjoint de l’immigration. Il a participé à la négociation du Programme de candidats des provinces en incluant un volet francophone. On a vu une grande différence dans l’approche pour attirer des candidats francophones et/ou bilingues.
« Quand quelqu’un est responsable de l’immigration francophone, on voit de meilleurs résultats. Il faut prendre le temps d’appliquer une lentille francophone à ce dossier. Si on constate une fragilité de la langue française au Canada, il faut trouver des moyens et repenser nos façons de gérer le dossier. »
Bien évidemment ceci n’est qu’une recommandation, le gouvernement fédéral devra donner suite à ce rapport et répondre aux constats du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Mais Raymonde Gagné est confiante que le Fédéral pourrait être réceptif puisque « il y a eu des changements et une volonté de changer des facteurs qui nuisent à l’immigration francophone. Le Fédéral est aussi intéressé à vouloir fixer une cible d’immigration plus ambitieuse, il faudra voir comment il traite cette question.
Une stratégie en ligne avec C-13
« Je suis aussi encouragée, que dans le cadre du Comité d’étude de C-13, il y a des amendements qui viennent renforcer le projet de loi pour s’assurer que le Canada va avoir des cibles plus ambitieuses. Il y a une ouverture du ministère de s’attarder aux défis et d’y trouver des solutions. » Le Comité sénatorial permanent des langues officielles recommande une cible « qui misera sur le caractère réparateur des droits linguistiques ».
De plus, le budget présenté par la ministre Chrystia Freeland, le 28 mars, a réservé 3,8 milliards $ sur cinq ans pour le prochain Plan d’action pour les langues officielles dont 123,2 millions $ pour l’immigration francophone.
Cependant les défis restent multiples, et d’ailleurs le Comité sénatorial permanent des langues officielles s’est penché sur l’importance d’avoir des approches coordonnées avec les différents paliers de gouvernement pour que l’immigration soit une réussite.
L’intégration professionnelle
La première recommandation s’arrête notamment sur les ordres professionnels qui doivent prendre part à cette stratégie d’immigration francophone. Raymonde Gagné souligne que « nous devons nous pencher sur cette réalité. Certains ordres professionnels demandent à des immigrants de reprendre des études ou bien la reconnaissance des titres est très difficile à obtenir.
« Il faut dire que c’est déjà un problème d’une province à l’autre pour les Canadiens. Les infirmiers et infirmières devaient reprendre des tests et se faire reconnaître par l’Ordre des infirmiers et des infirmières. Si c’est déjà compliqué pour les Canadiens alors imaginons pour les étrangers.
« L’IRCC va devoir s’attarder sur cet enjeu. Je me demande si la pénurie de main-d’œuvre dans certains domaines va permettre l’harmonisation des règles dans certains ordres. »