Chantallya Louis

La situation économique actuelle choque bon nombre d’organismes francophones, soutient Isabelle Salesse, directrice générale de l’Association franco-yukonaise (AFY).

« Tout a augmenté […], mais on n’a pas nécessairement eu une augmentation encore dans nos sources de financement ».

« On n’a pas assez de personnel, puis il faut répondre à tous les besoins même au niveau administratif, au niveau technique, etc. », corrobore Jules Chiasson, lui-même obligé d’interrompre son entrevue avec Francopresse pour gérer des questions administratives, faute de collègue disponible.

Avantages sociaux

Les organismes ont de la difficulté à offrir des salaires compétitifs aux employés, confie Isabelle Salesse. « On a beaucoup d’employés qui quittent leur poste pour aller travailler pour d’autres […] qui leur permettent de mieux vivre au Yukon », se désole-t-elle.

Même son de cloche du côté du directeur général de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Peter Hominuk. Il ajoute que « l’inflation apporte beaucoup de pression » sur son organisme.

Pour Alexandre Cédric Doucet, il faut augmenter les salaires des employés pour les retenir. « Il faut aussi être vraiment créatif au niveau des avantages sociaux qu’on avance auprès des employés et ça, l’argent sera le nerf de la guerre », soutient l’ancien président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB).

À l’AFY par exemple, en plus d’une augmentation salariale de 3 %, les employés peuvent, depuis septembre, travailler quatre jours par semaine pour le même salaire, soit celui d’un salaire de cinq jours semaine.

Les organismes ontarien et néobrunswickois ont assuré avoir réévalué l’offre d’avantages sociaux de leurs associations. « On va regarder la question du télétravail pour réduire les couts », ajoute Peter Hominuk.

Le cout des opérations plus importantes 

L’inflation a des conséquences sur la tenue des opérations, mais aussi sur les évènements communautaires, comme les déplacements. « Tous les couts augmentent ; les couts de ressources humaines, les couts de loyers, les couts d’achat d’équipements, d’évènements », dit Peter Hominuk, navré.

« On essaye de diminuer ou de réduire effectivement certaines activités parce qu’on ne peut pas se permettre de les faire toutes », admet de son côté Jules Chiasson de la FANE.

« On est obligé de mettre de côté pour l’instant en souhaitant qu’on puisse les accomplir peut-être au cours des [prochaines] années. »

La FANE a en outre été obligée de tenir son assemblée générale annuelle en mode virtuel cette année, pour permettre aux membres en régions éloignées d’y participer, afin d’économiser sur les déplacements et l’hébergement.

Conséquence sur les communautés

La directrice générale de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA), Isabelle Laurin, voit les conséquences de l’inflation non seulement sur son organisme, mais aussi sur ses membres.

« Je peux penser à nos groupes jeunesse qui subissent de gros contrecoups, notamment la location des autobus a fait exploser le cout de certaines activités jeunesse », indique-t-elle.

Selon Isabelle Laurin, le fait de réduire le nombre d’activités qu’offre un organisme pourrait rendre plus difficile le travail de sensibilisation et de rayonnement de la francophonie. « Notamment pour la construction identitaire de nos jeunes, le fait qu’ils s’attachent à la francophonie, renchérit-elle. On voit un impact encore plus grand parce que leur attachement pourrait être moins important, s’ils vivent moins d’expérience culturelle significative en français. »

Pour l’AFO, le sentiment est le même. « On voit carrément que les gens, ils sentent qu’ils sont moins capables de compter sur nous pour des services », déplore Peter Hominuk qui soutient que des discussions s’imposent pour continuer à assurer la pérennité dans les communautés francophones.

Peter Hominuk insiste : « Nos communautés et nos organismes ont besoin d’être en santé parce que c’est souvent la première ligne de défense pour assurer qu’on est capable de desservir les jeunes. »

Appréhensions autour du Plan d’action

Les organismes sont impatients de recevoir leur part du gâteau du 4,1 milliards de dollars prévus sur cinq ans annoncés dans le Plan d’action pour les langues officielles.

Cependant, les inquiétudes demeurent importantes.

« Je sais qu’il est possible qu’on ait des augmentations, mais est-ce qu’elles vont être suffisantes pour ajuster les salaires et permettre aux gens de mieux vivre aussi? », se demande Isabelle Salesse.

« Même si le gouvernement nous donne des augmentations de 20-25 %, les couts ont augmenté probablement plus que ça au cours des dernières années », renchérit Peter Hominuk.

Isabelle Laurin est du même avis et reste d’autant plus préoccupée pour les moins grands organismes, comme ceux qui travaillent avec la jeunesse. Selon elle, le fonds de roulement pour ces organismes est moins important que celui de l’ACFA.

« On garde un œil un peu sur les différentes organisations de notre communauté. On a des conversations avec certains bailleurs de fonds pour les informer de cette fragilité qui semble se dessiner », soutient-elle.