Devenus résidents permanents du Canada il y a quelques jours, nous reprenons des nouvelles de cette famille qui a totalement reconstruit sa vie, avec l’aide de plusieurs Manitobains et Manitobaines.

C’est après une longue journée de travail que nous retrouvons, Mariana Lavryk, détendue et apaisée, chez elle. La famille vit désormais dans une maison depuis le mois d’octobre 2023 après avoir quitté leur premier appartement. L’une des priorités de la famille : rester dans le quartier autour de l’école Nordale, établissement des deux filles Anhelina et Zlata.

« C’est un bon quartier. Il est vraiment sûr, on y trouve des parcs et des arbres. Le voisinage est adorable. Tout le monde est si amical. Les enfants ne voulaient pas changer d’école parce qu’ils y ont maintenant beaucoup d’amis. Ça aurait été très stressant. Et, nous aussi, en tant que parents, depuis notre premier appartement qui n’est pas loin, nous avions aussi déjà beaucoup d’amis. Alors, tout ça explique pourquoi nous voulions rester dans cette zone », souligne Mariana Lavryk.

De l’appui au Manitoba

Les amis manitobains, Mariana Lavryk et son mari Yura en parlent beaucoup. En plus de l’avocat Marc Marion et son épouse, qui ont accueilli la famille chez eux quand elle est arrivée en mai 2022, d’autres font partie de leur vie dans la province.

Le couple Geneviève Roy-Wsiaki et Rémi Gosselin est notamment très proche de la famille ukrainienne. Ils étaient là par exemple pour le déménagement, pour célébrer le Noël ukrainien ou simplement dans la vie de tous les jours quand il y a besoin. Yura dit notamment de Rémi Gosselin : « il est la per-sonne sur qui compter si vous avez besoin d’aide! »

Le couple de Franco-Manitobains, qui a été présent dans toutes les étapes importantes que la famille a vécues au Manitoba, commente leur évolution au fil du temps. « Premièrement, ce sont des gens très travailleurs. Ils poursuivent leurs projets professionnels respectifs et s’épanouissent ici au Manitoba. Je me souviens qu’ils ont fait une crémaillère pour présenter la maison. Ils voulaient remercier toutes les personnes qui ont aidé à leur intégration. C’était une belle fête, il y avait tellement de monde de la communauté qu’on ne connaissait même pas! Ça montre les relations fortes qu’ils ont réussi à créer ici », remarque Geneviève Roy-Wsiaki, qui a des origines ukrainiennes.  

Rémi Gosselin va même plus loin. Pour lui, l’intégration de la famille Lavryk est une histoire à succès. « Tous les réfugiés ou immigrants n’ont pas la même expérience. Ce que ça indique pour moi, c’est que ça prend un bon réseau d’appui pour avoir du succès. C’est sûr que Mariana et Yura sont des gens entreprenants, débrouillards, intelligents, dévoués et déterminés. D’eux-mêmes ils sont très capables, mais ça dépend aussi de l’appui reçu. »

Rémi Gosselin et Geneviève Roy-Wsiaki
Rémi Gosselin et Geneviève Roy-Wsiaki sont des amis proches de la famille Lavryk. (photo : Marta Guerrero)

Un couple travailleur

À temps plein au Ten Spa de l’Hôtel Fort Garry pour Mariana Lavryk et dans une agence d’aide aux réfugiés ukrainiens pour Yura, le couple est très occupé. Malgré des journées chargées, ils ont pu profiter des avantages de la vie au Manitoba. « Pendant l’été, nous sommes allés plusieurs fois avec nos amis dans leurs cabines. La nature, les lacs sont magnifiques. Quelques plages très belles aussi. Nous avons beaucoup de bons souvenirs ici. On a fait du camping aussi, pour la toute première fois. »

La famille, qui vise maintenant la citoyenneté, espère avoir plus de temps à l’avenir pour découvrir la province et le Canada. Et à l’image de Yura et Mariana Lavryk qui ont développé le côté professionnel, leurs filles ont quant à elles approfondi leurs passions et découvert des activités. «  Anhelina, c’est sa dernière année à l’école Nordale avant le secondaire. Elle continue la musique et a suivi des cours de guitare avec un professeur. Puis, elle continue de chanter, elle aime toujours ça. Quant à Zlata, elle adore les soirées pyjama! Elle invite souvent ses amis.es chez nous et elle va chez eux aussi. Elles grandissent tellement vite. »

La musique était déjà quelque chose d’important pour Anhelina quand La Liberté l’avait rencontrée. Mais de nouveau, grâce aux rencontres, elle a pu aller un peu plus loin dans cette passion. Avec l’aide de Norman Dugas, compositeur et ingénieur du son, l’adolescente a pu enregistrer deux chansons. Le musicien revient sur cette collaboration. « J’avais vu Anhelina chanter lors de la soirée de diffusion du documentaire sur l’histoire de la famille (2) et je suis allé voir la famille en pensant qu’il y avait peut-être quelque chose que je pouvais faire. Deux mois plus tard, Mariana m’a appelé pour voir si j’étais toujours d’accord. On a fait une première session. Anhelina a un vrai talent alors je l’ai aidée à enregistrer sa première chanson. »

Norman Dugas
Norman Dugas, dans son studio de musique, a aidé la jeune Anhelina à enregistrer deux compositions. (photo : Marta Guerrero)

La musique comme pansement

Norman Dugas explique que cette première chanson, entièrement composée par la jeune fille, traite de la culpabilité du survivant. « Elle a quitté son pays, des membres de sa famille et ses ami.e.s. C’était vraiment touchant. On a eu une super relation professionnelle. Je pensais avoir affaire à une néophyte, mais pas du tout. C’est une fille qui a une grande confiance, qui sait ce qu’elle veut. J’étais impressionné. »

Yura et Mariana Lavryk sont d’ailleurs très reconnaissants pour le travail de Norman Dugas. Ils mettent de l’avant sa patience et son écoute. «  Norman a été très patient. C’est vrai que j’ai mon caractère, mais je suis très gentille », lance amusée Anhelina. « Je veux simplement que la chanson soit parfaite, alors on doit faire plusieurs prises, c’est pour ça que ça prend du temps  », précise la jeune chanteuse.

Celle qui a pour chanteur préféré le Torontois Alexander Stewart sait que ses premières chansons sont plutôt tristes, mais ne sait pas l’expliquer. « Honnêtement, j’essaie de faire des chansons joyeuses, mais il s’avère qu’elles deviennent tristes. C’est tellement bizarre. J’ai essayé de faire une chanson joyeuse tellement de fois, mais ça n’a pas marché. Chaque fois que j’écris une chanson, je n’ai pas vraiment d’inspiration. Je m’assois dans ma chambre sans rien faire et des paroles me viennent au hasard. »

Si Anhelina tente de faire des chansons plus heureuses, il demeure que la tristesse de la guerre est toujours là. Même si ce sujet ne fait pas partie des discussions qu’ils ont avec Norman Dugas ou Geneviève Roy-Wsiaki et Rémi Gosselin, la situation reste difficile. « On pensait que ça allait être une guerre courte, et maintenant on en est là… C’est difficile de dire quelque chose à ce sujet. C’est vraiment douloureux. Il est certain que cela finira un jour, mais je ne sais pas si cela se produira dans un avenir proche. Malheureusement », concluent Yura et Mariana Lavryk.

(1) Voir notre édition du 28 septembre au 4 octobre 2022 pour redécouvrir le parcours de cette famille.

(2) Le documentaire Refuge diffusé par La Liberté et produit par POP PROD est toujours disponible.