Le directeur général de la SFM, Daniel Boucher, détaille son positionnement sur ce dossier et le spécialiste en Droit et enjeux linguistiques, François Larocque, explique le risque de l’anglonormativité.

Sur ce sujet de débat dans la communauté francophone du Manitoba, la SFM était restée plutôt discrète jusque-là. Daniel Boucher a notamment vu les échanges entre les membres ces dernières semaines dans les pages de La Liberté. Il respecte avant tout le processus en cours. « Ultimement, c’est aux membres de décider. Ce n’est pas notre rôle de choisir pour les membres », rappelle-t-il d’emblée.

Des questionnements

Le directeur général souligne lui aussi avoir, comme certains membres, quelques questionnements autour de cette potentielle fusion. Il l’explique, sa boussole sera les services en français et le statut de la caisse. « Si les gens votent en faveur, il y aura sûrement une autre phase sur des changements législatifs ou des règlements. Et nous, on s’apprête à aller chercher des conseils pour s’assurer de retirer de tout ça le maximum au niveau des services français pour les membres francophones de cette entité-là. Si le vote est non, il semble qu’il restera toujours un enjeu pour la caisse, et par extension pour la communauté. Alors, on espère pouvoir participer à d’autres discussions pour voir quelle est la prochaine étape pour assurer de façon ou d’une autre la pérennité de la caisse. »

À ce sujet, les institutions financières impliquées dans ce projet de fusion, ont partagé une politique de services en français qui sera appliquée dans la nouvelle entité. François Larocque, titulaire de la Chaire de recherche sur le monde francophone, Droits et enjeux linguistiques de l’Université d’Ottawa, a pu la consulter. Si, selon lui, la politique en l’état est plutôt satisfaisante sur le fond mettant en avant la gamme des services offertes par les caisses et l’offre active de services en français, sur la nature même du document, le spécialiste est beaucoup plus dubitatif. « Dans la hiérarchie des normes, une politique se retrouve plutôt en bas, ce n’est pas contraignant, et c’est souvent le talon d’Achille de ces politiques. C’est un instrument de gouvernance qui guide les personnes qui ont à prendre des décisions. Ça ne crée pas de droits, ce n’est pas justiciable par exemple. »

« L’histoire nous enseigne que lorsqu’on fusionne des entités anglaises et françaises, l’anglais devient la norme, c’est le concept de l’anglonormativité et le français devient l’exception, l’entorse. »

François Larocque

Assurer le fonctionnement en français

L’organisme qui défend les intérêts francophones au Manitoba a d’ailleurs rencontré le personnel de la Caisse Groupe Financier au mois de février, comme le confie Daniel Boucher. L’objectif était de partager les préoccupations de la SFM. 

« Ça fait plusieurs années que les gens de la caisse semblent travailler sur ce dossier. On a pu exprimer nos inquiétudes quant à la place de la francophonie dans cette entité. Ils sont au courant de cet enjeu-là. On veut être dans la meilleure situation possible que ce soit oui ou non. S’il y a de meilleures manières de faire les choses, nous allons les suggérer. J’ose espérer que si la fusion est votée, les autres partenaires, de même que Caisse Groupe Financier, seront à l’aise d’aller le plus loin possible sur ce qu’on nous dit. À savoir, leurs intentions que les caisses continuent à avoir un fonctionnement en français. »

D’expérience, François Larocque se montre lui assez perplexe sur cette potentielle fusion avec deux organismes anglophones. « Quand je vois ça, j’éprouve un petit pincement et je comprends les hésitations au sein de la communauté. L’histoire nous enseigne que lorsqu’on fusionne des entités anglaises et françaises, l’anglais devient la norme, c’est le concept de l’anglonormativité et le français devient l’exception, l’entorse. C’est-à-dire quelque chose qu’on doit supporter, accommoder et non pas une façon de faire. » 

« J’ose espérer que si la fusion est votée, les autres partenaires, de même que Caisse Groupe Financier, seront à l’aise d’aller le plus loin possible sur ce qu’on nous dit. À savoir, leurs intentions que les caisses continuent à avoir un fonctionnement en français. »

Daniel Boucher

Une politique qui doit perdurer

Daniel Boucher souhaite aussi que ces politiques, si elles sont adoptées, perdurent des années après une potentielle fusion. Le directeur général demeure également attentif en ce qui concerne l’avenir de certains emplois, mais aussi des centres de services de la caisse que ce soit en ville ou au rural. « C’est un peu là qu’on peut commencer à glisser si l’on ne met pas en place des mesures qui vont faire en sorte qu’on continue à offrir des services en français de qualité. Si l’on avance avec une fusion, il faut s’assurer qu’on n’est pas perdants à long terme. »

Quant aux retours reçus par la SFM de la part de Caisse Groupe Financier, Daniel Boucher souligne qu’on lui a dit « que les autres partenaires étaient très ouverts à ça (les questions autour de la francophonie). » « Mais si dans le processus législatif, nous proposons des choses, nous allons voir jusqu’à quel point ils sont prêts à aller pour assurer cette protection », conclut Daniel Boucher.