Le Fédéral permet aux parents de prendre 18 mois de congé. La Province refuse de garantir la sécurité d’un emploi après un an. Un décalage mis en lumière par Janelle Delorme et Kadidia Maréga, qui estiment essentiel d’investir dans les soutiens aux familles.

Par Daniel BAHUAUD

Janelle Delorme est à son neuvième mois d’un congé de maternité de près de 18mois. Elle trouve « aberrante » la décision du gouvernement Pallister du 7 décembre de ne pas appuyer le projet de loi 211 de Tom Lindsey, le député néodémocrate de Flin Flon. Son initiative aurait modifié le Code des normes d’emploi du Manitoba pour assurer la sécurité d’un emploi jusqu’à 18mois.

« Depuis le 3 décembre, le Fédéral permet des congés de maternité et de paternité de 18 mois. Qu’un gouvernement provincial rende difficile, voire presque impossible ce choix pour un bon nombre de parents, c’est incohérent. »

Kadidia Maréga, en congé de maternité depuis septembre, croit, elle aussi, qu’il faut accorder ce choix aux familles : « Ça devrait être permis. Pour les familles qui peuvent se permettre 18 mois de congé, ça devrait être une option. J’ai songé à un congé de 18 mois, mais 18 mois, c’est long dans la carrière d’une personne. Même un an peut être dépaysant et constituer un retour en arrière sur le plan professionnel. »

Autre défi : les prestations d’assurance-emploi demeurent les mêmes pour 12 ou 18 mois. Kadidia Maréga le rappelle : « Sur 18 mois, on vous offre 33% de votre revenu. Sur 12 mois, c’est 55 %. La même somme, quoi. Ça peut être dissuasif. Surtout si tu as déjà un autre enfant en bas âge, comme moi.

« En plus, la Province m’a refusé un appui financier pour la garderie de Lila, ma fille de quatre ans, parce que j’étais en congé de maternité. Pourtant, c’est quand ton revenu est réduit que tu as besoin d’appui. Mon conjoint Ben et moi avons choisi de l’envoyer quand même à la garderie. Pour sa socialisation, mais aussi pour ne pas perdre notre place à la garderie. Les listes d’attente sont longues, et les garderies sont difficiles à trouver. »

Janelle Delorme enchaîne : « Au bout du compte, même si le Fédéral a la bonne idée, s’il n’y a pas d’argent pour appuyer les familles, il n’y a pas d’incitatif financier pour rester chez soi pendant 18 mois. Le programme est biaisé en faveur des familles qui peuvent se le permettre. Mon conjoint Philippe et moi avons réussi, parce que j’ai fait appel à du temps de vacances et de congé accumulé. J’ai discuté de l’option avec mon employeur. Ce n’est pas tout le monde qui a ce luxe. Je pense aux familles monoparentales, aux familles vivant sous le seuil de la pauvreté. Pour elles, 18 mois, 12 mois ou souvent encore moins que ça, c’est impensable et impossible. »


18 mois = 6 mois de plus pour une garderie

Jean-Daniel Boulet entamera son deuxième congé parental en septembre 2018. Pour l’avocat résident de Norwood, « un grand avantage d’un congé parental de 18mois est qu’on a six mois de plus pour trouver une place dans une garderie ».

« C’est une considération clé, surtout si on est francophone et qu’on est à son premier enfant. Beaucoup de garderies accordent la priorité aux familles qui ont déjà un enfant d’inscrit chez elles. Mais si c’est votre premier enfant, les listes d’attente peuvent être bien longues. Un six mois de plus peut faire toute la différence.

« Bien sûr, il faut les moyens. Mon épouse et moi sommes avocats. On pourrait aisément tenir le coup, côté financier, pour prendre un congé prolongé. Mais pour des raisons professionnelles, on a choisi de prendre chacun un congé de six mois. Argent ou pas, ce n’est pas donné à tous les parents de se permettre de passer 18 mois à la maison. »