Éditorial par Jean-Pierre Dubé

LA LIBERTÉ DU 17 AU 23 OCTOBRE 2012

Lorsqu’un enseignant des profondeurs de Saint-Vital s’est plaint, l’été dernier, de ne pas avoir été mis au courant de la pétition contre les coupures fédérales affectant La Liberté, il a pointé du doigt la Société franco-manitobaine (SFM). Pourquoi pas : l’organisme parapluie n’est-il pas notre bouc émissaire préféré?

Il est évident que l’indigné du quartier sud-est n’est pas un adepte des médias francophones, lesquels ont largement commenté cette pétition. Fallait-il l’informer avec une bouteille dans la Seine ou par un voyageur en raquettes?

Mais la plainte était pertinente. Pourquoi cet enseignant qui exprime son appartenance aurait-il perdu contact avec les affaires francophones? Pourquoi une association de quartier (Vieux Saint-Boniface) lançait-t-elle une pétition d’envergure provinciale?

2012 a apporté une pluie de mauvaises nouvelles, entre autres avec les coupures dans les communications, les parcs, les postes, les services en français et le service de police. On est entré en mode de réaction et d’improvisation. Qui est en charge?

La communauté est multi-organismique. Mais 70 organismes, est-ce suffisant pour colmater toutes les brèches? On peut aussi avoir l’impression, sous l’averse, d’avoir perdu notre parapluie. Et voilà que la SFM nous propose son Assemblée générale annuelle (AGA), jeudi 18 octobre, sous le thème : Mêlez-vous de vos affaires.

L’expression est connue. Normalement, elle constitue une invitation à dégager. Dans ce cas-ci, on espère engager la participation. Mais se mêler de quoi? Et pourquoi maintenant?

Les 2, 3 millions $ du budget (2010-2011) de la Société semblent bien administrés – la solvabilité ne serait pas problématique. Alors la représentativité? Un conseil de cinq paraît suffisant. Si c’est pour applaudir le travail des organismes, féliciter les entrepreneurs et les artistes, écouter ce qui transpire du Réseau communautaire, encourager les jeunes à parler français, assurer la liaison gouvernementale, encadrer le PDG Daniel Boucher en place depuis 1991, cinq est presque trop.

Alors la légitimité? Peut-être. Avec 80 personnes à l’Assemblée, on a peut-être assez de cran pour offrir café et beigne à un politicien sur Provencher. Mais il en faudrait combien pour manger des microphones et donner des coups de poing dans les boardrooms de Broadway? 500? 1000? Et pour dire quoi?

En 2011, le nouveau premier ministre Greg Selinger s’est présenté devant l’AGA. Il s’est déclaré contre l’idée d’une loi sur les services en français au Manitoba : contentez-vous de la Politique actuelle. L’étonnant, ce n’est pas tant sa déclaration, mais qu’on ait laissé le PM jouer à l’éteignoir en public, confirmant la primauté des bonnes relations sur l’avenir collectif.

Pourquoi, alors, se déplacer? Ce qui pourrait intéresser les Franco-Manitobains, c’est de réfléchir ensemble et de se prononcer périodiquement sur l’avenir : où en est-on, qu’est-ce qu’on veut défendre ou améliorer et comment on va le faire? Quelle serait la démarche appropriée? Pas une réunion d’affaires. Forums, consultations, un congrès à Saint-Vital?

Pourquoi pas aussi un réseau social animé et d’envergure, qui permettrait d’informer, de consulter en vue de choisir des orientations et de mobiliser. En particulier les jeunes, les créatifs, les exogames, les arrivants et, peu importe où ils sont sur la planète, les membres de la diaspora.

Sur le site Web de la SFM, on trouve entre autres l’Annuaire des services, les plans de développement et rapports annuels, ainsi que la météo. L’organisme a aussi une page Facebook avec 14 amis et 191 fans.

On n’a pas dit aux organismes que leur mission était impossible. Ils réussissent en étant imaginatifs et débrouillards. Par exemple : en fin de semaine, l’Agence bilingue d’échanges commerciaux du Manitoba (ANIM) a réuni 700 personnes à son 2e Forum mondial de la PME. La barre est haute.

On a besoin d’une SFM à la hauteur des défis.