Par Bernard BOCQUEL
Voici venu le temps de l’année où, confrontés au toujours trop funeste bilan annuel des activités humaines, il devient essentiel d’injecter une dose d’espoir dans nos pensées.
Cet automne, une voix exceptionnelle dans le paysage intellectuel canadien s’est fait entendre sur les ondes de la CBC dans le cadre des Massey Lectures, diffusées par le programme IDEAS, intitulées cette année In search of a better world (1).
Cette voix qui n’a pas peur de parler de coeur, d’âme et d’amour, est celle du professeur de droit international à l’Université McGill Payam Akhavan. Iranien d’origine, sa famille a dû fuir l’Iran après l’arrivée au pouvoir de l’Ayatollah Khomeny, qui haïssait les baha’i et les a persécutés sans merci.
Payam Akahavan a connu le racisme ordinaire en grandissant à Toronto, mais au moins il n’avait pas à craindre pour sa vie. Contrairement à cette Mona dont la liberté de penser a valu à cette adolescente d’être exécutée par les séides du régime iranien. Le destin tragique de cette coreligionnaire a bouleversé l’adolescent torontois. Pour donner un sens à son existence, l’expatrié s’est lancé dans des études de droit, jusqu’à devenir procureur au Tribunal pénal international de La Haye, chargé d’instruire les dossiers des criminels de guerre de l’ex-Yougoslavie.
Dans son enfance, Payam Akhavan a été imbibé des principes du bahaïsme, fondé par un Persan au milieu du 19e siècle. Cette religion professe l’unité spirituelle de l’humanité, vue comme « une âme, un corps ». Pas étonnant donc que ce juriste engagé défende l’idée que les droits de la personne doivent former le noyau dur de notre conscience d’humain.
Après chacune de ses cinq conférences, des gens lui demandaient, car visiblement il a su se montrer convaincant : Qu’est-ce que je peux faire? Eh bien pour faire une différence, a répondu le militant, il importe d’abord de se connaître soi-même, au plus intime, car « se connaître soi-même en profondeur constitue la vraie source de son pouvoir ».
Une tâche qui peut paraître insurmontable, mais pas impossible à partir du moment où nous avons la force d’accepter cette incontournable vérité : c’est à soi qu’on se ment le mieux.
L’excuse de l’auto-mensonge est évidemment toute trouvée. Nous vivons encore dans un monde où, malgré toutes les bonnes volontés personnelles, le plus fort finit par imposer sa loi d’airain. Mais il est tout aussi sûr que ce dominateur n’arrivera jamais à obtenir l’unité par la force. Toujours il devra s’imposer par la violence. Tout le problème de l’unité de l’humanité en laquelle croit Payam Akhavan réside précisément là : puisque notre avenir passe par le respect absolu de la dignité humaine, il faut donc résolument tourner le dos à la coercition et opter pour la voie de l’adhésion individuelle à une vision commune.
Pure folie! élan naïf! vont crier en choeur les désespérés et les cyniques. À pareille attitude, l’homme qui a vu de ses yeux les horreurs des champs de bataille, qui a ressenti la souffrance d’anonymes criminels de guerre repentis, oppose une réponse toute simple : « Le désespoir et le cynisme n’exigent aucun effort ». Et pour bien être entendu, il ajoute : « Là où il y a de l’apathie, il y a toujours des excuses. Là où il y a de l’empathie, il y a toujours des solutions. Nos choix comptent. Les changements les plus profonds viennent de la base, pas du sommet. »
Payam Akahavan, une lumière canadienne aux accents universels qui sait parler à la conscience. À fréquenter d’urgence.
(1) Les CBC Massey Lectures sont aussi imprimées : In search of a better world – A human rights odyssey. House of Anansi Press.