Par Michel LAGACÉ
La Winnipeg Foundation célèbre cette année son centenaire. Une occasion de faire valoir son impact et de publier un survol de son histoire. Première fondation communautaire au Canada, elle doit sa création à William Forbes Alloway et son épouse Elizabeth McLaren. Celle-ci venait d’une famille très fortunée de la vallée de l’Outaouais. Lui était un self-made man.
Bill Alloway est arrivé au Manitoba en 1870 avec l’expédition Wolseley, cette force militaire envoyée au Manitoba par le gouvernement de John A. Macdonald avant même que le Manitoba ne soit formellement intégré au Canada. Le gouvernement avait tenté de donner l’impression qu’il ne s’agissait pas d’une mesure punitive contre le gouvernement provisoire de Louis Riel, mais les miliciens voulaient venger l’exécution de l’orangiste Thomas Scott. Riel ayant fui à leur arrivée, les miliciens ne tardèrent pas à imposer un règne de terreur dont l’une des victimes fut Elzéar Goulet.
On sait que la Loi sur le Manitoba de 1870 avait réservé 1,4 million d’acres « au profit des familles métisses ». Le gouvernement du Canada a mis en place un système de certificats – appelés scrip en anglais – qui pouvaient être échangés contre de l’argent ou des terres.
Des acheteurs de ces certificats pouvaient s’enrichir rapidement en les revendant à des colons qui voulaient s’établir au Manitoba. Et la banque Alloway and Champion, fondée en 1878 et devenue la plus grande banque privée de l’Ouest canadien, a grandement bénéficié de ces transactions.
Le centenaire de la Foundation lui a fourni l’occasion de dénoncer les méthodes « exécrables » d’enrichissement qui ont fait la fortune du banquier Alloway aux dépens des Métis. Loin de nier son passé, elle reconnaît que les premiers 100 000 $ qu’il a versés à la Foundation en 1921 étaient entachés de spéculation condamnable. Et, du même souffle, elle rappelle qu’elle s’est engagée à honorer les appels à l’action énoncés par la Commission de vérité et de réconciliation en 2015, promettant ainsi de poursuivre un voyage multigénérationnel de guérison et de réconciliation avec les peuples autochtones.
La reconnaissance sans équivoque de son passé permet à la Winnipeg Foundation d’asseoir sa légitimité et de poursuivre sa mission honnêtement. Sa réussite est d’autant plus importante qu’elle est devenue un facteur incontournable dans le développement du Manitoba. Pour s’en rendre compte, il suffit de rappeler qu’en 1990, elle distribuait 3,5 millions $. Alors que, l’an dernier, forte d’un capital de 1 218 millions $, ses revenus lui ont permis de distribuer 73 millions $ à plus de 1 000 agences caritatives. De plus, elle administre les fonds de 52 agences et de 51 fondations communautaires au Manitoba, dont Francofonds.
Ayant fait amende honorable, la Foundation est en mesure de continuer à solliciter la collectivité pour étendre son oeuvre. Son directeur général, Richard Frost, laisse ainsi un legs important à la veille de son départ à la retraite après 23 ans de service.